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Climat: les leçons du dernier réchauffement

En analysant des sédiments datant du réchauffement survenu il y a 56 millions d’années, une équipe de l’UNIGE jette un nouveau regard sur notre avenir climatique.

Peer-Reviewed Publication

Université de Genève

image: PETM was marked by an increase in the seasonality and intensity of rainfall. This increased the mobility of river channels - the deepest areas of a river - and resulted in the transport of large quantities of fluvial clays deposited on adjacent alluvial plains to the deep ocean. view more 

Credit: © Lucas Vimpere

Il y a 56 millions d’années, la Terre a connu l’un des plus importants et des plus rapides réchauffements climatiques de son histoire: le Maximum Thermique Paléocène-Éocène qui présente des similarités avec le réchauffement actuel et à venir. Cet épisode a vu les températures mondiales augmenter de 5 à 8°C. Il a été marqué par une augmentation de la saisonnalité des précipitations, qui ont entraîné le déplacement de grandes quantités d’argile jusque dans l’océan, le rendant inhabitable pour certaines espèces vivantes. Ce scénario pourrait se répéter aujourd’hui. C’est ce que révèle une équipe de l’Université de Genève (UNIGE), grâce à l’analyse de sédiments prélevés dans les eaux profondes du Golfe du Mexique. Ces résultats sont à découvrir dans le journal Geology.
 

Survenu il y a 56 millions d’années, le Maximum Thermique du Paléocène-Éocène - ou PETM pour Paleocene-Eocene Thermal Maximum en anglais - est la plus importante et la plus rapide perturbation climatique du Cénozoïque (-65,5 millions d’années à aujourd’hui). Exceptionnel tant par son amplitude (5-8°C d’augmentation) que par sa soudaineté (5000 ans, un temps très court à l’échelle géologique), cet épisode a été marqué par un réchauffement des températures à l’échelle mondiale. Il a perduré environ 200 000 ans et entraîné de nombreuses extinctions marines et terrestres.


Il aurait été provoqué par une forte concentration dans l’atmosphère de dioxyde de carbone – le fameux CO2 - et de méthane, deux puissants gaz à effet de serre. Comme aujourd’hui, ces gaz ont pu être libérés par plusieurs phénomènes, certainement combinés: libération des hydrates de méthane piégés dans les fonds marins, fonte soudaine et importante du permafrost, injection de magmas dans les sédiments organiques de la bordure ouest de la Norvège. L’origine de ces processus fait encore débat. L’impact d’une météorite et/ou les effets d’une intense activité volcanique dans les profondeurs de l’Atlantique Nord pourraient en être responsables.


Une «archive» géologique d’une qualité inédite

En raison des nombreuses similitudes du PETM avec le réchauffement actuel, les vestiges géologiques de cette période sont étudiés de près par les scientifiques. Une équipe de l’UNIGE rapporte aujourd’hui de nouveaux éléments. «L’objectif de notre étude était d’étudier l’influence de ces changements climatiques sur les systèmes sédimentaires, c’est-à-dire sur les processus de formation et de dépôt des sédiments, et de comprendre comment ces changements ont pu être transmis de l’atmosphère jusque dans les profondeurs de l’océan», explique Lucas Vimpere, post-doctorant à la Section des sciences de la Terre et de l’environnement de la Faculté des sciences de l’UNIGE et premier auteur de l’étude.


Les chercheurs/euses ont analysé des sédiments prélevés à plus de 8km de profondeur dans le Golfe du Mexique. Ce bassin fait office de ‘‘réservoir’’ géant dans lequel se déverse le matériel érodé et transporté depuis le continent nord-américain depuis des millions d’années. «Pour des raisons de coûts et d’infrastructures, les sédiments utilisés pour étudier le PETM sont généralement prélevés en milieu marin ou continental peu profond. Grâce à la collaboration d’une entreprise pétrolière, nous avons pu bénéficier d’un échantillon d’une qualité inédite, sans aucune altération», indique le chercheur. D’une longueur de 543m, cette carotte contient un enregistrement sédimentaire du PETM d’une épaisseur de 180m, ce qui en fait l’«archive» géologique de cette période la plus complète au monde.


Davantage d’argile au fond des océans

Les scientifiques de l’UNIGE ont découvert que celle-ci se composait d’abord d’une importante couche d’argile puis d’une couche de sable, un résultat contre-intuitif. «Lors du PETM, nous pensions qu’il y avait eu davantage de précipitations, donc plus d’érosion, et que de grandes quantités de sables avaient alors été transportées en priorité par les systèmes fluviatiles jusque dans les océans. Or, grâce à notre échantillon, nous avons pu déterminer que ce sont les argiles et non les sables qui ont été charriées dans un premier temps», explique Sébastien Castelltort, professeur ordinaire à la Section des sciences de la Terre et de l’environnement de la Faculté des sciences de l’UNIGE, et dernier auteur de l’étude.


Cette observation a permis d’établir que la période avait été marquée non pas par une augmentation du taux annuel des précipitations mais par une augmentation de leur saisonnalité et de leur intensité. «Cela a eu pour conséquence d’intensifier la mobilité des chenaux fluviaux – soit les zones les plus profondes d’un cours d’eau – ce qui a eu pour effet de transporter jusque dans les profondeurs océaniques des grandes quantités d’argiles fluviales déposées dans les plaines alluviales adjacentes. Nous pouvons donc désormais considérer que la présence d’argile dans les bassins profonds est un marqueur de l’augmentation de la saisonnalité des pluies», indique Lucas Vimpere. Le phénomène a entraîné une augmentation de la turbidité de l’océan néfaste pour la faune et la flore marines, notamment pour les coraux.


«Le PETM est un analogue potentiel du réchauffement actuel. Les récents rapports du GIEC le démontrent: nous observons aussi aujourd’hui une augmentation de la saisonnalité et de l’intensité des pluies. Comme le révèle notre étude, cela risque de déstabiliser les systèmes sédimentaires de la même manière que durant le PETM et avec les mêmes conséquences pour les océans et les espèces vivantes», explique Lucas Vimpere. Ces nouvelles données pourront désormais être intégrées aux modélisations visant à prédire l’évolution et les conséquences du réchauffement climatique.


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