Une nouvelle étude montre que les lacs européens se sont appauvris en oxygène dès 1850 et que ce phénomène sest généralisé après 1900, soit bien avant lutilisation de fertilisants et le réchauffement climatique. Une équipe de chercheurs canadiens et européens ont identifié lexpansion urbaine comme étant à lorigine de lapparition de lhypoxie, cest-à-dire le manque doxygène biodisponible, dans de nombreux lacs en Europe au cours des derniers siècles. Publiés dans Proceedings of the National Academy of Sciences, les résultats de cette étude dirigée par le chercheur postdoctoral Jean-Philippe Jenny et par le professeur Pierre Francus de lINRS suggèrent que l'augmentation de la pollution des eaux usées au tournant du siècle a conduit à l'augmentation de la productivité biologique des lacs, laquelle a provoqué une augmentation de la consommation doxygène.
Les chercheurs ont analysé des données provenant de plus de 1 500 bassins hydrographiques européens, incluant des données sur le climat, loccupation du territoire et les sédiments lacustres. Pour la première fois, ils ont utilisé des reconstitutions de la dynamique de loccupation et de lutilisation des sols à léchelle dun continent et les ont mis en parallèle avec leurs propres reconstitutions de lappauvrissement en oxygène au cours des 300 dernières années. Ils ont ainsi pu discriminer la provenance des rejets de sources urbaines, principalement le phosphore, comme étant le facteur responsable du déclenchement de lhypoxie dans les eaux profondes des lacs dès le début du 20e siècle.
« Déterminer avec précision la source du nutriment responsable de la diminution doxygène a représenté un réel défi, en raison notamment des variations dans les facteurs de stress environnementaux à léchelle régionale et de leurs interactions, ainsi que la fiabilité des données à long terme », précise le professeur Francus du Centre Eau Terre Environnement de lINRS.
« Les sources ponctuelles et diffuses ont toujours contribué aux apports de nutriments dans les lacs, mais à des intensités variables dans le temps et lespace. Nos résultats montrent que les sources ponctuelles urbaines de phosphore sont le facteur dominant de leutrophisation des lacs européens au cours de lAnthropocène », souligne le chercheur Jean-Philippe Jenny, maintenant affilié à lInstitut Max Planck de biogéochimie en Allemagne.
Les chercheurs reconnaissent néanmoins quau cours des dernières décennies, les sources diffuses sont devenues progressivement la cause majeure de leutrophisation de leau douce dans les pays développés, en raison de la diminution des sources ponctuelles par linstallation de stations dépuration et de la hausse de lutilisation des engrais chimiques.
« Malgré les nombreux programmes dassainissement mis en place dans les années 1980, les couches les plus profondes des lacs étudiés se caractérisent encore par un manque évident de ré-oxygénation, doù une hypoxie persistante. Cela illustre limportance de lhistoire et de lhéritage du passé quant à lutilisation des terres et de la nécessité de mettre en place des stratégies à long terme pour maintenir et restaurer la qualité de leau des lacs », soutiennent les auteurs de létude.
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À propos de la publication
Paru dans Proceedings of the National Academy of Sciences, larticle « Urban point sources of nutrients were the leading cause for the historical spread of hypoxia across European lakes » est le fruit dune collaboration scientifique internationale impliquant des chercheurs québécois et canadiens, allemands, finlandais et français. Le premier auteur est Jean-Philippe Jenny du Centre Eau Terre Environnement de lINRS. Cette étude a été produite par le Varve Working Group dans le cadre de lInternational Geosphere-Biosphere Programme IGBP-PAGES (Past Global Changes). Elle a bénéficié du soutien financier du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, de la Chaire de recherche du Canada en écologie de leau douce et changement global, du Fonds de recherche du Québec Nature et technologies, et de lAcademy of Finland. DOI: 10.1073/pnas.1605480113
Journal
Proceedings of the National Academy of Sciences