Le changement climatique, la croissance démographique et lurbanisation jouent un rôle déterminant sur laugmentation de lexposition aux températures extrêmes. Des chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE), en collaboration avec lUniversité de Twente (Pays-Bas) et le Joint Research Center de lUnion européenne à Ispra en Italie ont évalué différents scénarii possibles de lévolution du changement climatique et du développement socio-économique dans 173 villes africaines pour les années 2030, 2060 et 2090. Leurs résultats, à lire dans la revue Earths Future, démontrent quun tiers des Africains vivants en ville pourraient être touchés par ces vagues de chaleur extrêmes en 2090. Leurs projections soulignent également linfluence du développement socio-économique sur les impacts du changement climatique.
Limpact du changement climatique se fait spécifiquement ressentir dans les pays aux climats tropicaux, caractérisés par une forte humidité et des températures extrêmes. A cela sajoutent le développement socio-économique et la forte urbanisation que connaissent les pays de ces régions, particulièrement en Afrique, qui conduisent à une explosion de la croissance démographique en ville. La combinaison de ces deux facteurs impacte fortement les conditions de vie des personnes vivant dans les villes africaines, notamment au niveau des températures extrêmes, voire mortelles. «Nous considérons que le seuil critique se situe à 40,6 degrés Celsius en température ressentie, soit en prenant en compte lhumidité», relève Guillaume Rohat, chercheur à lInstitut des sciences de lenvironnement (ISE) de lUNIGE. En effet, une forte humidité extérieure perturbe notre capacité de thermorégulation, ce qui peut avoir des conséquences mortelles.
Les scientifiques de lUNIGE, de lUniversité de Twente et du Joint Research Center de lUnion européenne à Ispra ont fondé leurs recherches sur des projections scientifiques du climat et de la démographie future, et non pas sur des données démographiques actuelles, pour calculer le risque dans les années à venir. Une première. «Notre idée était de prendre en compte tous les scénarii possibles de changement climatique et de croissance démographique urbaine, le meilleur comme le pire, afin de savoir ce qui nous attend», explique Guillaume Rohat. Ils ont alors combiné cinq scénarii de projections socio-économiques et trois scénarii de projection du changement climatique effectués par le Groupe dexperts intergouvernemental sur lévolution du climat (GIEC) pour les années 2030, 2060 et 2090. « Ceci nous a donné douze combinaisons différentes plausibles pour chacune de ces années et nous a permis de calculer le nombre de personnes par jour exposées à des températures supérieures à 40,6° dans les villes africaines sur une base annuelle. Une personne peut donc être comptée plusieurs fois, car elle pourra être exposée plusieurs jours par an à ces vagues de chaleur », continue-t-il. A partir de ces douze modèles, ils ont analysé la démographie, lurbanisation, et le climat de 173 villes dau minimum 300000 habitants dans 43 pays africains.
Une augmentation drastique de personnes en danger est inévitable
Les premiers résultats de létude démontrent que quelque soit le scénario choisi, une augmentation drastique de personnes touchées par des températures extrêmes par année est inévitable. «Dans le meilleur des cas, 20 milliards de personnes-jour seront concernées en 2030, contre 4,2 milliards en 2010, soit une augmentation de 376%, relève Guillaume Rohat. Ce chiffre grimpe à 45 milliards en 2060 (+971%) et atteint 86 milliards en 2090 (+1947%).» Mais si lon prend le pire scénario pour chacune de ces trois années, à savoir une très forte augmentation démographique, une explosion de lurbanisation et un climat très perturbé par une augmentation continue de CO2, les chiffres prennent encore lascenseur : 26 milliards en 2030 (+519% par rapport à 2010), 95 milliards en 2060 (+2160%) et 217 milliards en 2090 (+4967%)!
Si chaque habitant des 173 villes étudiées était exposée chaque jour de lannée en 2090, on atteindrait le chiffre de 647 milliards. «On constate que le pire scénario de 2090 touche 217 milliards de personnes, soit un tiers de la population urbaine africaine!», sexclame le chercheur genevois. Cela signifie quun tiers des personnes seraient exposées chaque jour à une température ressentie de 40,6° minimum, ou que toutes les villes Africaines subiraient cette chaleur quatre mois par an. Ce chiffre tombe à 10% dans le meilleur scénario possible en 2030.
Respecter les accords de Paris et les Objectifs de développement durable
Léquipe de scientifiques sest alors demandée sil était possible de réduire cette exposition aux chaleurs extrêmes. Ils ont dabord refait les calculs en utilisant le meilleur scénario climatique possible combiné avec les différents modèles socio-économiques, et ils ont constaté que lexposition se réduisait de 48% pour lannée 2090. «Ceci nous prouve que si lon respecte les accords de Paris, on divise par deux le nombre de personnes en danger en 2090, ce qui est encourageant!», se réjouit Guillaume Rohat. Et si lon prend le meilleur scénario socio-économique dans chacun des modèles climatiques, le nombre de personnes exposées aux températures extrêmes chute de 51% ! «Ici, on relève limportance des Objectifs de développement durable de lONU; soit laccès à léducation, la baisse du nombre denfants par femme, lévolution du niveau de vie, etc..», continue-t-il.
Quelles que soient les hypothèses retenues, létude révèle que lexposition aux températures extrêmes va augmenter fortement. Mais elle montre aussi quen agissant vite, cette hausse peut être au moins partiellement jugulée. «Cest pourquoi nous sommes actuellement en contact avec plusieurs villes que nous avons étudiées, se réjouit Guillaume Rohat. Les acteurs locaux sintéressent aux résultats des années 2030 et 2060 pour sadapter à linévitable et prendre des mesures pour limiter lurbanisation de leur ville, notamment en améliorant la qualité de vie dans les zones rurales ou en favorisant le développement dautres villes plus modestes.»
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