Une des propriétés propres aux particules quantiques est lintrication: par exemple, lorsque deux photons sont intriqués, létat quantique du premier sera parfaitement corrélé à létat quantique du second, même sils sont éloignés lun de lautre. Mais que se passe-t-il lorsque lon place en réseau trois paires de photons intriqués que lon sépare de leur jumeau? Des chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE), en collaboration avec lInstitut de recherche en sciences fondamentales (IPM) de Téhéran, ont prouvé théoriquement quune nouvelle forme de corrélations quantiques en réseau est possible : en forçant deux photons de paires distinctes à sintriquer, la liaison se fait également avec leur photon jumeau présent ailleurs dans lespace du réseau, formant un triangle ultra corrélé. Ces résultats, à lire dans la revue Physical Review Letters, ouvrent de nouvelles perspectives dapplications en cryptographie, tout en offrant un renouveau de la physique quantique à son niveau le plus fondamental.
Lintrication signifie que deux particules quantiques, par exemple des photons, ne forment quun seul système physique, malgré la distance les séparant. Chaque action sur lun des deux photons se répercute alors sur son photon «jumeau». Ce principe dintrication donne lieu à la non-localité quantique: les mesures et statistiques des propriétés observées sur un des photons sont intimement corrélées aux mesures effectuées sur lautre photon. «La non-localité quantique a été découverte théoriquement par John Stewart Bell en 1964 et a permis de démontrer que les corrélations des photons sont de nature purement quantique, et ne peuvent donc pas être expliquées par la physique classique, explique Nicolas Brunner, professeur associé au Département de physique appliquée de la Faculté des sciences de lUNIGE. Ce principe pourrait être utilisé pour générer des clés de chiffrement ultra sécurisées.»
Forcer lintrication de photons en réseau: est-ce possible?
Mais est-ce que ce principe de non-localité quantique fonctionne toujours si lon place plusieurs paires de photons en réseau? «Pour répondre à cette question, nous avons imaginé une expérience comprenant trois paires de photons qui sont ensuite séparées et dispersées en trois points formant un triangle: à chaque sommet, deux photons dune paire différente se retrouvent ensemble», explique Marc-Olivier Renou, chercheur au Département de physique appliquée de la Faculté des sciences de lUNIGE.
Dans un deuxième temps, les physiciens ont forcé les deux photons de chaque sommet du triangle à sintriquer en les faisant interagir entre eux, puis ils ont effectué une mesure sur eux. Enfin, ils ont démontré que les statistiques résultants de ces mesures ne peuvent pas sexpliquer par une théorie physique locale. Qui plus est, ces statistiques sont si fortement corrélées, quelles pourraient représenter une nouvelle forme de corrélations quantiques. «Cela pourrait devenir une nouvelle version du théorème de Bell, propres aux réseaux quantiques», senthousiasme Nicolas Brunner.
Cette importante découverte théorique souligne la puissance des corrélations quantiques dans les réseaux, qui dépasse largement ce quimaginaient les chercheurs. Létape suivante consistera à observer ces phénomènes au laboratoire. «Ceci ne va pas être un jeu denfant, car la réalisation dune telle expérience reste pour linstant extrêmement ardue», conclut Nicolas Gisin, professeur au Département de physique appliquée de la Faculté des sciences de lUNIGE.
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Journal
Physical Review Letters