Le staphylocoque doré est responsable de nombreux types dinfections parfois mortelles chez lhumain. Lune de ses armes les plus redoutables est lα-toxine, qui détruit les cellules de lhôte en formant des pores au niveau de leurs membranes. Des chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE) ont identifié le mécanisme qui permet lancrage de ces pores dans la membrane des cellules épithéliales. Létude, publiée dans la revue Cell Reports, montre comment différentes protéines des cellules humaines sassemblent en un complexe auquel sarriment de nombreux pores, avec un verrou moléculaire qui stabilise le tout. Les biologistes démontrent également quil suffit de bloquer lassemblage de deux des pièces du complexe pour que les pores puissent être enlevés de la membrane et que les cellules survivent. Identifier les mécanismes cellulaires de lhôte qui contribuent à la virulence des toxines devient essentiel pour développer des approches thérapeutiques contre les bactéries résistantes aux antibiotiques.
Les cellules épithéliales qui tapissent les muqueuses et la peau constituent les barrières principales à franchir pour le staphylocoque doré. Son arsenal dattaque est doté dune arme très efficace, lα-toxine, qui sassemble en pores pour trouer les membranes des cellules de lhôte. Celles-ci deviennent perméables, leur ADN se fragmente et elles finissent par sautodétruire.
Les jonctions adhérentes contribuent à la virulence bactérienne
Les membranes de nos cellules épithéliales sont équipées de jonctions adhérentes qui contribuent à la formation de nos tissus. Celles-ci sont composées de diverses protéines qui permettent dunir les cellules adjacentes entre elles, mais aussi de relier la membrane de chaque cellule à son cytosquelette. «Il y a trois ans, nous avions découvert que plusieurs composants des jonctions adhérentes jouent un rôle dans la virulence de lα-toxine, mais sans en connaître les mécanismes sous-jacents», explique Sandra Citi, professeure au Département de biologie cellulaire de la Faculté des sciences de lUNIGE.
Que se passe-t-il donc lorsque le staphylocoque doré sécrète de lα-toxine en quantité à proximité des cellules épithéliales? En collaboration avec des chercheurs de lUniversité de Stanford et de lInserm, les biologistes de lUNIGE ont entrepris dassembler les pièces existantes du puzzle et den découvrir les éléments manquants. «Nous savions déjà que la toxine se lie à une protéine de la membrane cellulaire nommée ADAM10, ce qui provoque la formation de pores et leur regroupement au même endroit», détaille Jimit Shah, chercheur du groupe genevois et premier auteur de létude.
Un Lego moléculaire permet dancrer les pores de la toxine
Les scientifiques ont mis au jour lexistence dun complexe formé de quatre protéines différentes de lhôte, dont lassemblage permet damarrer ADAM10 aux jonctions adhérentes et de stabiliser lensemble avec un verrou moléculaire. La bactérie détourne ainsi un dispositif présent dans les membranes des cellules épithéliales et sen sert pour les détruire et coloniser les tissus sous-jacents.
Existe-t-il un moyen de contrer leffet de larme bactérienne? «Nous avons démontré que la liaison de deux des protéines du complexe entre elles est cruciale pour que lensemble puisse fonctionner. Linhibition de cette interaction entrave en effet lassemblage des toxines aux jonctions adhérentes», ajoute Jimit Shah. Les pores formés par lα-toxine sont alors éliminés de la surface cellulaire, ce qui entraîne le rétablissement de la cellule endommagée et assure sa survie.
De nombreuses souches de staphylocoque doré sont devenues résistantes aux antibiotiques, et certaines le sont même à tous les traitements existants. «Une nouvelle cible thérapeutique potentielle pourrait être le complexe que nous avons découvert. Le développement dune molécule clinique capable dinhiber cette interaction au sein du complexe serait vraisemblablement un obstacle à la propagation des souches multirésistantes», conclut Sandra Citi.
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Cell Reports