Le 24 janvier 2020, le ministère français chargé de la santé confirmait trois premiers cas de patients touchés par le coronavirus de Wuhan. Le 29 janvier 2020, lInstitut Pasteur, en charge de la surveillance des virus respiratoires en France, a séquencé intégralement le génome du coronavirus dit « 2019-nCoV ». Cest une première en Europe depuis le début de lépidémie, permise grâce à la Plateforme de microbiologie mutualisée (P2M) de lInstitut Pasteur. P2M est dédiée au séquençage génomique des souches (bactéries, virus, champignons, parasites) que reçoivent les Centres nationaux de référence et les Centres collaborateurs de lOrganisation mondiale de la santé dans le cadre de la surveillance des maladies infectieuses.
Décembre 2019, une épidémie de pneumonies dallure virale détiologie inconnue émerge dans la ville de Wuhan (province de Hubei, Chine).
Le 9 janvier 2020, les autorités sanitaires chinoises et lOrganisation mondiale de la santé (OMS) annoncent la découverte dun nouveau coronavirus, appelé 2019-nCoV, et présenté comme lagent responsable de ces pneumonies (voir la fiche maladie de lInstitut Pasteur « Coronavirus de Wuhan »).
Les autorités chinoises partagent, dès le week-end du 11-12 janvier, la séquence complète du génome du coronavirus quils ont détecté dans des échantillons prélevés sur leurs premiers patients. « La séquence du génome des pathogènes est cruciale pour développer des tests de diagnostic spécifiques et identifier les options dintervention potentielles », souligne Sylvie van der Werf, responsable du Centre national de référence (CNR) virus des infections respiratoires à lInstitut Pasteur.
Vendredi 24 janvier 2020. La détection du virus, confirmée en France.
Vendredi 24, en fin de matinée, des échantillons parviennent à lInstitut Pasteur : trois suspicions de cas possibles (deux patients à Paris, un à Bordeaux). « A partir de ces échantillons prélevés sur ces patients, nous avons détecté le nouveau coronavirus », explique Sylvie Behillil, responsable adjointe du CNR à lInstitut Pasteur.
Dès le vendredi 24 janvier 2020. Le séquençage du génome du virus à lInstitut Pasteur.
Dès le vendredi soir, à partir des échantillons, le séquençage du génome viral est lancé. Le CNR prépare le matériel à séquencer qui sera pris en charge dès le lundi par P2M. Le mardi, en début de soirée, le « run » de séquençage sachève et lanalyse des données permet de disposer de la séquence du génome complet chez deux des trois premiers cas confirmés en France. « Nous prouvons ainsi lefficacité du processus d'analyse par séquençage des virus mis en place par le CNR », reprend Vincent Enouf, responsable adjoint du CNR à lInstitut Pasteur.
Mercredi 29 et jeudi 30 janvier 2020. Le séquençage complet est établi puis partagé par lInstitut Pasteur.
La Plateforme de microbiologie mutualisée P2M (voir encadré en bas de page) a aujourdhui un très haut niveau de performance ; le délai de production des séquences va en moyenne de trois jours (urgences) à dix jours maximum. Ici, en trois jours, la séquence complète est établie (le 29 janvier) : « Nous avons procédé aux analyses de données durant la nuit du mardi au mercredi, corroborées dans la journée du mercredi par des contre-analyses, explique Vincent Enouf. Le séquençage complet a pu être réalisé en trois jours. »
Quapprend-on ? « Les séquences sont identiques dans tous nos prélèvements. Un membre du couple a dû contaminer lautre, cest le même virus. » Les deux séquences complètes des virus prélevés sur deux des premiers cas français ont été déposées le 30 janvier sur la plateforme du «Global initiative on sharing all influenza data » (GISAID)1, initialement développée pour le partage des séquences et le suivi de lévolution génétique des virus grippaux, essentiels pour la définition de la composition du vaccin contre la grippe. Un onglet spécial "coronavirus" a été créé pour que la communauté scientifique collabore et avance plus vite.
« Une vingtaine dautres séquences du génome du nouveau coronavirus ont été établies dans le monde et, en les comparant avec les nôtres, nous nous apercevons quelles sont toutes très proches, il ny a pas beaucoup de diversité dans les virus analysés ce qui va dans le sens que le coronavirus 2019-nCoV na pas eu besoin de muter pour sadapter et se propager », reprend Vincent Enouf.
Le Centre national de référence (CNR) des virus des infections respiratoires, à lInstitut Pasteur (Paris), fait partie des laboratoires référents de lOMS pour le coronavirus 2019-nCoV.
Au total, huit personnes du CNR et deux de la plateforme de séquençage P2M ont été mobilisées cette semaine, et continuent à lêtre pour surveiller lépidémie en France.
1. Euro Surveill. 2017 Mar 30;22(13). pii: 30494. doi: 10.2807/1560-7917.ES.2017.22.13.30494. GISAID: Global initiative on sharing all influenza data - from vision to reality. Shu Y, McCauley J.
La Plateforme de microbiologie mutualisée (P2M), haute performance, est également ouverte aux CNR externes
Ouverte au séquençage pour des CNR externes, P2M a interagi en 2019 avec 4 CNR non pasteuriens. La plateforme séquence bactéries, virus, parasites et champignons. Lexpérience acquise au cours de cinq ans dactivité (depuis 2015) vaut aujourdhui un très haut niveau de performance, comme la montré lindicateur de taux de réussite au premier « passage » (cest-à-dire dobtention dune séquence de qualité pour une information complète sur le génome) qui sest élevé à plus de 95 % en 2019. Le délai de production des séquences va de trois jours (urgences) à dix jours maximum.
En 2019, P2M a séquencé environ 25 000 pathogènes. La technique du séquençage génomique augmente le seuil de sensibilité pour la détection des épidémies. En identifiant une épidémie précocement (cas regroupés dans le temps, causés par un même type de pathogène), lInstitut Pasteur permet de mobiliser rapidement les épidémiologistes qui prennent le relais pour en déterminer lorigine, et les autorités qui coordonnent la réponse de santé publique.
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