Les vaccins qui stimulent le système immunitaire pour détruire les cellules tumorales sont de plus en plus utilisés dans la recherche sur la lutte contre le cancer. Le succès nest cependant pas toujours au rendez-vous. Afin dagir plus efficacement sur le système immunitaire et en particulier sur les lymphocytes T, des cellules spécialisées dans la détection des cellules cancéreuses des chercheurs des universités de Genève (UNIGE) et Fribourg (UNIFR), avec leurs collègues allemands des universités de Munich et de Bayreuth et de la startup AMSilk, ont pioché dans les merveilles de la nature pour créer des microcapsules en soie daraignée capables de livrer le vaccin directement au coeur des cellules immunitaires. Un procédé qui pourrait également être appliqué à des vaccins préventifs visant à protéger contre des maladies infectieuses, un pas important vers des vaccins stables, faciles dutilisation et résistants aux conditions de conservation les plus extrêmes. Cette invention est à découvrir dans la revue Biomaterials.
Notre système immunitaire se base essentiellement sur deux types de cellules, les lymphocytes B qui produisent les anticorps nous permettant de nous défendre contre de nombreuses infections et les lymphocytes T. Dans le cas du cancer et de certaines maladies infectieuses comme la tuberculose, ce sont précisément les lymphocytes T quil sagit de stimuler. Leur mécanisme dactivation est cependant plus complexe que celui des lymphocytes B : pour déclencher une réponse, il faut utiliser un peptide, un petit bout de protéine qui, sil est injecté tout seul, est rapidement dégradé par le corps avant même datteindre sa cible. «Or, pour développer des médicaments immunothérapeutiques efficaces contre le cancer, il est indispensable de générer une réponse importante des lymphocytes T», indique la professeure Carole Bourquin, spécialiste des immunothérapies antitumorales aux facultés de médecine et des sciences de lUNIGE, qui a dirigé ces travaux. «Les vaccins dont nous disposons actuellement nont quune action limitée sur les lymphocytes T ; il est donc indispensable de développer dautres procédés de vaccination pour contourner ce problème.»
Une capsule pratiquement indestructible
Pour ce faire, les scientifiques ont utilisé de la soie daraignée dépeire diadème, une araignée de jardin très commune en Europe. Ce matériau très léger, résistant, et non-toxique est en outre synthétisable artificiellement. «Nous avons recréé en laboratoire cette soie si particulière pour y insérer un peptide aux propriétés vaccinales», explique Thomas Scheibel de lUniversité de Bayreuth, spécialiste mondial de la soie daraignée, qui a participé à cette étude. «Ensuite, les chaînes de protéines ainsi formées sont enroulées sur elles-mêmes afin de former des microparticules injectables.»
Les microparticules de soie forment une sorte de capsule de transport capable non seulement de protéger le peptide vaccinal afin quil ne soit pas dégradé par lorganisme, mais aussi dacheminer son précieux chargement à bon port, au coeur même des cellules des ganglions lymphatiques, augmentant ainsi considérablement la réponse immunitaire des lymphocytes T. «Notre étude a apporté la preuve de la validité de notre technique», révèle Carole Bourquin. «Nous démontrons ainsi lefficacité dune nouvelle technique de vaccination extrêmement stable, facile à fabriquer et facilement personnalisable.»
Vers un nouveau modèle de vaccin ?
Les scientifiques eux-mêmes ont été surpris par la résistance des microparticules de soie daraignée à la chaleur, qui supporte plus de 100°C pendant plusieurs heures sans dommage. En théorie, ce procédé permettrait doffrir des vaccins ne nécessitant ni adjuvant, ni chaîne de froid. Un avantage indéniable, en particulier dans les pays en voie de développement où lune des grandes difficultés est justement la conservation des vaccins. Lune des limitations de ce procédé, cependant, réside dans la taille des microparticules: si le concept est en principe applicable à nimporte quel peptide, qui sont tous suffisamment petits pour être incorporés dans les protéines de soie, les recherches doivent se poursuivre afin de vérifier sil est également possible dincorporer les antigènes de plus grande taille utilisés dans les vaccins standards, notamment contre la plupart des maladies virales.
Quand les scientifiques imitent la nature
«De plus en plus, les scientifiques cherchent à imiter la nature dans ce quelle fait de mieux», ajoute Thomas Scheibel. «Cette démarche a même un nom: la bioinspiration. Cest exactement ce que nous avons fait ici.» Les propriétés de la soie daraignée en font un produit particulièrement intéressant : biocompatible, solide, fin, biodégradable, résistant aux conditions extrêmes et même antibactérien, on peut imaginer de multiples applications, notamment des pansements ou des fils de suture.
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Biomaterials