image: CD8 lymphocytes (red) of HIV controller patients in contact with CD4 cells (green) infected with HIV. The cell nuclei are in blue. In pink, a cytotoxic molecule secreted by CD8 cells to destroy CD4 cells. view more
Credit: © Anastassia Mikhailova / Institut Pasteur
Les cellules des rares individus contrôlant naturellement linfection au VIH sont étudiées depuis près de 15 ans afin de décrypter leurs particularités. Des chercheurs de lInstitut Pasteur, grâce aux cohortes ANRS CO21 CODEX et CO6 PRIMO, ont décrit les caractéristiques des cellules immunitaires CD8 de sujets dits « contrôleurs du VIH ». Le pouvoir antiviral si particulier de ces cellules est dû à un programme métabolique optimal qui leur permet de persister et réagir efficacement contre les cellules infectées. Les chercheurs sont parvenus à reprogrammer ex vivo des cellules dindividus infectés non-contrôleurs leur conférant le pouvoir antiviral des cellules des contrôleurs. Ces résultats sont publiés le 12 juillet 2019 dans la revue Nature Metabolism.
Certaines personnes réussissent à contrôler naturellement le VIH, sans traitement. Chez ces individus, très rares, (moins de 1% des personnes vivant avec le VIH), on ne détecte pas de multiplication du virus dans leur sang, en labsence de traitement pendant plus de 10 ans dinfection. En 2007, les chercheurs de lInstitut Pasteur décrivaient comment leurs lymphocytes CD8 ont une activité antivirale extraordinaire. En effet, les CD8 de contrôleurs parviennent à détruire rapidement les cellules CD4 infectées, contrairement aux cellules CD8 de non-contrôleurs.
Les chercheurs de lunité VIH, inflammation et persistance à lInstitut Pasteur ont donc poursuivi leurs recherches pour connaitre les caractéristiques précises de ces cellules dans le but de les conférer aux cellules des sujets non-contrôleurs.
Dapparence extérieure les cellules CD8, dites « mémoires », des contrôleurs sont identiques à celles des non-contrôleurs mais les chercheurs ont montré quelles ont un programme moléculaire différent. Ils ont décrit que chez les contrôleurs les cellules CD8 anti VIH ont un grand potentiel antiviral mais aussi quelles sont programmées pour survivre ; tandis que le programme des cellules des non-contrôleurs les prédisposent à lépuisement et à la mort cellulaire.
Pour mener leurs activités les cellules CD8 des contrôleurs utilisent des ressources métaboliques variées et en particulier elles fonctionnent sur lapport énergétique de leurs mitochondries , bien adapté pour permettre la survie de la cellule dans des conditions de stress. A linverse, les cellules des non-contrôleurs sont dépendantes dune seule source dénergie (le glucose) et leurs mitochondries montrent une activité limitée. « Nous avons donc identifié que lactivité antivirale des CD8 des contrôleurs est associée à la mise en place dun programme optimal qui leur confère une plasticité dans lutilisation des ressources énergétiques de la cellule », explique Asier Saez-Cirion, coordinateur de létude, chercheur au sein de lunité VIH, inflammation et persistance à lInstitut Pasteur.
Les scientifiques sont alors parvenus dans le laboratoire à stimuler lactivité des mitochondries chez les cellules CD8 anti VIH des non-contrôleurs. Grâce à une substance sécrétée par le système immunitaire, appelée interleukine 15 (IL-15), les cellules de non-contrôleurs récupèrent leur activité mitochondriale et augmentent leur potentiel anti-VIH. Les cellules CD8 reprogrammées des non-contrôleurs acquièrent ainsi une capacité à détruire les cellules CD4 infectées qui ressemble à celle des cellules des contrôleurs.
« Nos travaux montrent que même si les cellules CD8 anti VIH des non-contrôleurs sont relativement inefficaces, les différences avec les cellules de contrôleurs ne sont pas insurmontables », conclut Asier Saez-Cirion.
La reprogrammation métabolique des cellules immunitaires est une stratégie déjà actuellement en phase dessais cliniques pour le traitement des cancers. Les chercheurs espèrent pouvoir tester ces stratégies in vivo prochainement pour ces facultés anti-VIH.
Ces travaux ont été financés par lInstitut Pasteur, ainsi que par lANRS, MSDAVENIR, lUnion Européenne (Horizon 2020) et Sidaction.
###
Source
Metabolic plasticity of HIV-specific CD8+ T-cells is associated with enhanced antiviral potential and natural control of HIV-1 infection, Nature Metabolism, 12 juillet 2019
Mathieu Angin1, Stevenn Volant2, Caroline Passaes1, Camille Lecuroux3, Valérie Monceaux1, Marie-Agnes Dillies2, José Carlos Valle Casuso1, Gianfranco Pancino1, Bruno Vaslin3, Roger Le Grand3, Laurence Weiss4,5, Cecile Goujard6, Laurence Meyer7, Faroudy Boufassa7, Michaela Müller-Trutwin1, Olivier Lambotte3,6, and Asier Sáez-Cirión1
1Institut Pasteur, Unité HIV Inflammation et Persistance, Paris, France
2Institut Pasteur, Hub Bioinformatique et Biostatistique C3BI, USR 3756 IP CNRS Paris, France
3CEA, Université Paris Sud, INSERM U1184, Immunology of Viral Infections and Autoimmune Diseases (IMVA), IDMIT Department / IBFJ, 92265 Fontenay-aux-Roses, France
4Assistance Publique Hôpitaux de Paris, Hôpital Européen Georges Pompidou, Paris, France
5Université Paris Descartes, Sorbonne Paris Cité, Paris, France
6Assistance Publique Hôpitaux de Paris, Hôpital Bicêtre, Service de Médecine Interne et Immunologie clinique, 94275 Le Kremlin-Bicêtre, France
7INSERM U1018, Centre de recherche en Epidémiologie et Santé des Populations, Université Paris Sud, Le Kremlin Bicêtre, France
Journal
Nature Metabolism