Des articles récents annoncent que les gisements de matières premières minérales (cuivre, zinc, etc.) seront épuisés dici quelques dizaines dannées. Une équipe internationale, dont fait partie lUniversité de Genève (UNIGE), démontre au contraire que les ressources sont suffisantes pour répondre à la demande croissante quentraîne lindustrialisation, et ce durant plusieurs centaines, voire milliers dannées. Si le risque de pénurie existe, il ne vient pas de lépuisement physique des différents métaux. Il faut plutôt en chercher les causes du côté de lexploitation industrielle, de léconomie et des impacts environnementaux et sociétaux liés à lutilisation de matières premières minérales. Une recherche à lire dans la revue Geochemical Perspectives.
Des études récentes sur les matières premières minérales insistent sur lattention quil faut porter aux ressources non renouvelables. Des scientifiques annoncent ainsi que les gisements qui contiennent des ressources importantes comme le cuivre et le zinc seront épuisés dans quelques dizaines dannées si la consommation ne diminue pas. Prenant le contrepied de ces conclusions, une équipe internationale de chercheurs démontre que si les ressources en matières premières minérales ne sont pas infinies, elles sont suffisantes, du point de vue géologique, pour au moins quelques centaines voire milliers dannées, même en intégrant dans les estimations de consommation la croissance des besoins de la société. Pourquoi une telle différence?
Calcul, économie et exploitation
«Il ne faut pas confondre les ressources minérales qui existent sur Terre avec les réserves, à savoir les ressources minérales identifiées, mesurées et exploitables économiquement. Or, certaines études qui annoncent une pénurie proche se fondent sur des statistiques qui ne prennent en compte que les réserves, cest-à-dire une infime partie des gisements qui existent», explique Lluis Fontboté, professeur au Département des sciences de la Terre de la Faculté des sciences de lUNIGE. Définir des réserves est un exercice coûteux: il faut investir dans lexploration, le forage, les analyses, les mesures et les évaluations économiques. Les compagnies minières tendent donc à investir pour explorer et mesurer uniquement la quantité de minerai nécessaire à garantir lamortissement des investissements dans les mines, et donc leur rentabilité économique. Mesurer des réserves plus larges reviendrait à faire de coûteux investissements improductifs, ce qui nentre pas dans la logique économique des compagnies minières.
Le résultat est que la durée de vie des réserves est maintenue à un taux relativement constant, courant sur une durée denviron vingt à quarante ans, selon les métaux. Doù le risque fréquemment évoqué dune pénurie dici vingt à quarante ans. Mais ce calcul est évidemment faux, car il ne prend aucunement en compte la quantité réelle de métaux à disposition, notamment les ressources identifiés actuellement non économiques et les larges ressources non encore découvertes. Dautres études plus poussées essaient destimer les ressources globales réelles, mais cest un exercice difficile car nos connaissances sur le contenu en gisements métallifères dans de grandes parties de la croûte terrestre restent très fragmentaires. Ces estimations sont donc généralement très conservatrices.
De plus, limmense majorité des gisements exploités a été découverte en surface ou dans les premiers 300 mètres, alors que nous savons quil en existent à des profondeurs plus grandes et que les techniques actuelles permettent dexploiter des gisements métallifères jusquà 3000 mètres et plus. De nombreux gisements ne sont donc pas encore découverts, ni ne figurent dans les statistiques. On a bien sûr observé des pénuries de certaines matières premières minérales, notamment lors du boum de croissance de la Chine. Elles nétaient pas dictées par un manque de métaux, mais par un problème dexploitation. En effet, entre la découverte dun gisement et son exploitation effective, quinze ans peuvent sécouler. Si la demande saccroît brutalement, lexploitation industrielle ne peut y répondre instantanément, créant une pénurie temporaire.
Environnement et société
«Le véritable problème nest pas lépuisement des ressources, mais limpact environnemental et sociétal que provoque leur exploitation», précise le professeur Fontboté. En effet lactivité minière est indéniablement lié à une dégradation environnementale quil faut compenser, même si des techniques modernes peuvent la minimiser fortement. Les charges qui en découlent, y compris sociétales, doivent être réparties entre les pays industrialisés et les pays en voie de développement et entre les communautés locales proches des mines et le reste de la société. «Le recyclage est important et indispensable, mais ne suffira pas à combler la forte demande émanant des pays en voie de développement. Il faut donc continuer à chercher et à exploiter de nouveaux gisements, y compris dans les pays industrialisés», explique le chercheur de lUNIGE.
Limportance de la recherche
Mais comment protéger lenvironnement tout en maintenant lexploitation minière ? La solution passe par la recherche. Pour poursuivre lexploitation tout en minimisant les éventuels dégâts environnementaux, il faut mieux comprendre le processus de formation des gisements et développer de nouvelles techniques dexploration et dexploitation ayant un impact restreint sur la surface terrestre. De plus, «lévolution rapide des technologies et des sociétés va probablement réduire les besoins en matières premières minérales, et donc la demande; en même temps, ces nouvelles technologies créent de nouveaux besoins en métaux, comme par exemple les 60 composants dun smartphone», ajoute le professeur Fontboté.
Cette nouvelle étude démontre ainsi que les difficultés liées à lexploitation des matières premières minérales concernent léconomie, lexploitation industrielle et lenvironnement, mais que dun point de vue purement géologique, la pénurie ne sera pas une menace si un effort conséquent dans lexploration est fait.
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Journal
Geochemical Perspectives Letters