Le 4 mars prochain, dans le cadre de la Journée mondiale de l'obésité, des chercheuses et chercheurs de l'Université Concordia encourageront fortement les autorités sanitaires à revoir leur manière de faire face à cette maladie. Environ 1,9 milliard d'adultes et 380 millions d'enfants dans le monde seraient obèses ou en surpoids. Selon l'Organisation mondiale de la santé, plus de gens meurent de surpoids que de poids insuffisant.
Dans leur article publié dans la revue Obesity Reviews, les chercheurs affirment que l'obésité devrait être considérée comme une forme de vieillissement prématuré. Ils ont observé la façon dont l'obésité prédisposait les gens à contracter des maladies ayant des conséquences potentiellement invalidantes ou mortelles habituellement rencontrées chez les personnes âgées, comme l'altération du génome, l'affaiblissement du système immunitaire, la dégénérescence cognitive, le diabète de type 2, l'Alzheimer, les maladies cardiovasculaires et le cancer.
L'étude était dirigée par Sylvia Santosa, professeure agrégée de santé, de kinésiologie et de physiologie appliquée à la Faculté des arts et des sciences. Ses collègues et elle ont passé en revue plus de 200 études sur les effets de l'obésité au regard des cellules et des organes comme du corps entier. Bjorn Tam, boursier postdoctoral Horizon, et José Morais, professeur agrégé du Département de médecine de l'Université McGill, étaient coauteurs de l'article.
« Nous tentons de faire valoir que l'obésité a les mêmes effets que le vieillissement, explique la Pre Santosa, titulaire d'une chaire de recherche du Canada de niveau 2 en nutrition clinique. Il semblerait de fait que les comorbidités liées à l'obésité et au vieillissement se développent selon des mécanismes similaires. »
Des cellules aux systèmes
L'article se penche sur les façons dont l'obésité fait vieillir le corps sur plusieurs plans. Nombre d'études préalables avaient déjà associé l'obésité et la mortalité prématurée, mais les chercheurs ont montré que l'obésité accélérait le vieillissement même dans les plus infimes parties de l'organisme.
Par exemple, Sylvia Santosa et ses collègues ont observé les processus de mort cellulaire et de maintien des cellules saines, l'apoptose et l'autophagie, lesquels sont habituellement associés au vieillissement.
Des études ont révélé que l'obésité entraîne chez la souris l'apoptose dans le cur, le foie, les reins, les neurones, l'oreille interne et la rétine. De plus, l'obésité empêche l'autophagie, ce qui peut causer des cancers, des maladies cardiovasculaires, le diabète de type 2 et l'Alzheimer.
Sur le plan génétique, les chercheurs indiquent que l'obésité influe sur de nombreuses altérations attribuées au vieillissement, comme le raccourcissement des télomères, des capuchons protecteurs situés à l'extrémité des chromosomes. Par exemple, chez les patients obèses, les télomères étaient parfois 25 pour cent plus courts que chez les patients des groupes témoins.
La Pre Santosa et ses collègues soutiennent également que les effets de l'obésité sur le déclin cognitif, la mobilité, l'hypertension et le stress sont similaires à ceux du vieillissement.
Ils affirment que l'obésité joue un rôle important dans la lutte du corps contre les maladies liées au vieillissement. Toujours selon eux, l'obésité accélère le vieillissement du système immunitaire en endommageant différentes cellules immunitaires. Ainsi, même si les patients perdent du poids, les dommages subis ne sont pas réversibles.
Les effets de l'obésité sur le système immunitaire influent sur la vulnérabilité aux maladies comme la grippe, laquelle touche les patients obèses plus souvent que les patients de poids normal. Les patients obèses courent aussi plus de risque de souffrir de sarcopénie, une maladie habituellement associée au vieillissement qui entraîne une perte progressive de la masse musculaire et de la force.
Des similarités trop frappantes pour être ignorées
Sylvia Santosa a eu l'idée de l'étude quand elle a pris conscience du nombre d'enfants obèses qui développaient des maladies propres à l'adulte, comme l'hypertension, un taux de cholestérol élevé et le diabète de type 2. Elle a aussi réalisé que les comorbidités de l'obésité étaient similaires à celles du vieillissement.
« J'ai demandé aux gens de m'énumérer toutes les comorbidités liées à l'obésité qu'ils connaissaient, explique la chercheuse. Puis je leur ai demandé combien de ces comorbidités étaient aussi associées au vieillissement. La plupart des gens ont répondu qu'elles l'étaient toutes. L'obésité a donc certainement quelque chose à voir avec l'accélération du vieillissement. »
La Pre Santosa pense que l'étude aidera les gens à mieux comprendre l'obésité et inspirera des idées de traitement.
« J'espère que ces observations orienteront notre approche pour nous aider à mieux appréhender l'obésité, et à l'aborder différemment. Nous posons des questions qui n'ont jamais été posées avant. »
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Journal
Obesity Reviews