Au cours des vingt dernières années, lutilisation de nanoparticules en médecine na cessé daugmenter. Cependant, leur sécurité et leur effet sur le système immunitaire restent une préoccupation constante. En testant différentes nanoparticules dor, des chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE), en collaboration avec le Pôle de recherche national «Bioinspired Materials» et lUniversité de Swansea, au Royaume-Uni, apportent la première preuve de leur impact sur les lymphocytes B les cellules immunitaires chargées de la production danticorps. Lutilisation de ces nanoparticules devrait améliorer lefficacité des produits pharmaceutiques tout en limitant les potentiels effets indésirables. Ces résultats, publiés dans la revue ACS Nano, permettront à terme de développer des thérapies plus ciblées et mieux tolérées, en particulier dans le champ de loncologie. En outre, la méthodologie mise au point par les chercheurs permet de tester la biocompatibilité de nimporte quelle nanoparticule dès les premiers stades du développement dun nouveau nanomédicament.
Responsables de la production danticorps, les lymphocytes B constituent une partie cruciale du système immunitaire humain et, par conséquent, une cible intéressante pour le développement de vaccins préventifs ou thérapeutiques. Cependant, pour remplir leur objectif, les vaccins doivent atteindre rapidement les lymphocytes B sans être détruits en route. Cest là que lutilisation de nanoparticules peut être intéressante. «Les nanoparticules peuvent former une capsule de protection et de transport pour les vaccins ou pour dautres médicaments afin de les acheminer spécifiquement là où ils pourront être le plus efficaces, tout en épargnant les autres cellules», explique Carole Bourquin, professeure aux Facultés de médecine et des sciences de lUNIGE, qui a dirigé ces travaux. «Ce ciblage permet aussi dutiliser moins de substances immunostimulantes tout en conservant une réponse immunitaire efficace. Il augmente leur efficacité et réduit simultanément les effets secondaires, pour autant que les nanoparticules savèrent inoffensives pour lensemble des cellules immunitaires.» Des études similaires avaient déjà été réalisées sur dautres cellules immunitaires, notamment sur les macrophages qui recherchent et ingèrent les nanoparticules, mais jamais jusquici sur les lymphocytes B, plus petits et plus difficilement maniables.
Lor, un matériau idéal
Lor constitue un excellent candidat en nanomédecine en raison de ses propriétés physico-chimiques particulières. Bien toléré par lorganisme et facilement malléable, ce métal a par exemple la particularité dabsorber la lumière pour ensuite dégager de la chaleur, une propriété qui pourrait être exploitée en oncologie. «Des nanoparticules dor pourraient ainsi être utilisées pour cibler des tumeurs : exposées à une source de lumière, elles dégagent de la chaleur et pourraient détruire les cellules cancéreuses voisines. On peut aussi ajouter à la surface de ces nanoparticules un médicament à acheminer à un endroit précis», explique Sandra Hočevar, chercheuse à la Faculté de médecine de lUNIGE et première auteure de ces travaux. «Pour tester leur innocuité ainsi que la meilleure formule pour lusage médical, nous avons créé des sphères dor enrobées ou non de polymères, ainsi que des bâtonnets dor afin dexplorer les effets de lenrobage et de la forme des particules. Nous avons ensuite mis ces particules en contact avec des lymphocytes B humains pendant 24 heures pour examiner lactivation de la réponse immunitaire.»
En suivant les marqueurs dactivation exprimés à la surface des lymphocytes B, les scientifiques ont pu établir dans quelle mesure leurs particules activaient ou au contraire inhibaient la réponse immunitaire. Si aucune particule na déclenché deffet néfaste, leur effet sur la réponse immunitaire différait selon leur forme et la présence denrobage.
«Les propriétés de surface, ainsi que la morphologie des nanoparticules sont importantes lorsquil sagit des interactions entre une nanoparticule et une cellule. Fait intéressant, les nanobâtonnets dor ont inhibé la réponse immunitaire, probablement en causant des interférences sur la membrane cellulaire ou parce quils sont plus lourds», explique Martin Clift, professeur associé de nanotoxicologie et systèmes in vitro à la Faculté de médecine de lUniversité de Swansea au Royaume-Uni et co-responsable de ce projet.
Non enrobées, les particules sphériques sagrègent facilement et ne conviennent donc pas à un usage biomédical. Par contre, les sphères enrobées de polymères savèrent très efficaces et naltèrent pas la fonction des lymphocytes B. «Et nous pouvons facilement placer dans cet enrobage le vaccin ou le médicament à acheminer aux lymphocytes B, souligne Carole Bourquin. De plus, notre étude a permis détablir une méthodologie pour évaluer la sécurité des nanoparticules sur les lymphocytes B, ce qui navait jamais été fait auparavant.» Cela pourrait se révéler particulièrement utile pour de futures recherches, car lutilisation des nanoparticules en médecine nécessite encore létablissement de lignes directives claires.
De nombreuses applications cliniques
Les lymphocytes B sont au centre de la réponse vaccinale, mais aussi dautres domaines comme loncologie et les maladies auto-immunes. Les nanoparticules dor développées par léquipe de chercheurs pourraient permettre de livrer directement aux lymphocytes B les médicaments déjà existants pour réduire la dose nécessaire et les effets secondaires potentiels. Dailleurs, des essais cliniques sont déjà menés dans le cas de tumeurs cérébrales. En effet, les nanoparticules dor peuvent être rendues suffisamment petites pour traverser la barrière hémato-encéphalique, ce qui permet dadministrer des médicaments antitumoraux directement dans les cellules cancéreuses.
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Journal
ACS Nano