Ce communiqué est disponible en anglais.
MONTRÉAL et VANCOUVER, le 8 octobre 2014 Les enfants capricieux devant leur assiette devraient faire l'objet d'une attention particulière des parents car ils pourraient manifester des comportements restrictifs avant même leur puberté. C'est ce qu'indique Dominique Meilleur, à l'occasion de la conférence de l'Association des troubles alimentaires du Canada. «Plusieurs chercheurs croient par exemple que les comportements boulimiques commenceraient seulement à l'adolescence. Notre analyse appuie plutôt l'hypothèse que le problème survient beaucoup plus tôt et qu'il est possiblement sous-diagnostiqué car peu soupçonné et investigué», déclare la professeure du Département de psychologie de l'Université de Montréal. Les résultats de sa recherche soulèvent de nouveaux questionnements sur l'étiologie du problème alimentaire et son éventuelle évolution.
La professeure Meilleur, en collaboration avec Olivier Jamoulle, Danielle Taddeo et Jean-Yves Frappier, du Centre hospitalier universitaire Sainte-Justine, a étudié les caractéristiques psychologiques, sociodémographiques et somatiques de 215 enfants âgés entre 8 et 12 ans présentant des problèmes alimentaires. Tous ceux qui présentaient des maladies physiques pouvant être associées aux problèmes alimentaires comme le diabète et la fibrose kystique ont été exclus de l'échantillon. En se basant sur l'analyse des dossiers médicaux des jeunes admis au cours des 15 dernières années dans une unité de soins pédiatriques de la région de Montréal, l'équipe de chercheurs confirme la présence fréquente d'autres troubles comorbides (notamment des troubles anxieux et de l'humeur et des déficits de l'attention) déjà rapportés chez les adolescents par certaines enquêtes cliniques. «Plus de 15.5 % des jeunes de notre échantillon se faisaient vomir à l'occasion et 13.3 % présentaient des comportements boulimiques. Ces résultats sont très préoccupants, mais ils pourront peut-être aider les cliniciens à faire un dépistage précoce », dit la chercheuse, soulignant du même souffle qu'il est recommandé d'amorcer un traitement le plus rapidement possible lorsqu'il y a des comportements déviants.
Sur l'ensemble des jeunes de l'échantillon, «52% avaient été hospitalisés au moins une fois pour leur problème alimentaire et 48% avaient été soignés en service ambulatoire». La majorité des enfants avaient été hospitalisés à leur entrée dans les services suggérant un état de santé physique précaire, selon Dominique Meilleur qui signale la présence d'antécédents psychiatriques dans la famille chez 36,3% des sujets.
En 20 ans de métier à l'hôpital CHU Sainte-Justine, la psychologue a acquis une expertise clinique considérable sur les troubles de conduites alimentaires (TCA). Chaque jour, des enfants et adolescents venaient lui confier leur anxiété et craintes quant à leur poids, leur image corporelle, l'alimentation ainsi que leurs difficultés personnelles sur différents plans. «Plusieurs facteurs sont impliqués dans le développement et le maintien des TCA», soutient la chercheuse.
Mais l'élément déclencheur principal identifié chez les enfants est la présence de moqueries ou remarques désobligeantes à l'égard de leur apparence physique. «Pour certains enfants, cela peut initier ou renforcer une préoccupation entourant leur image corporelle et possiblement engendrer une modification des comportements alimentaires.» À éviter à tout prix.
Les résultats des travaux de Mme Meilleur et ses collègues révèlent en outre que 95% des enfants âgés entre 8 et 12 ans ont des comportements alimentaires restrictifs alors que 69,4% ont peur de prendre du poids et 46,6% disent se «trouver gros». «Ces comportements s'apparentent étroitement aux présentations cliniques observées chez les adolescents et appuient les résultats d'études qui rapportent des préoccupations envers l'image corporelle chez certains jeunes dès le primaire», mentionne Mme Meilleur.
L'étude démontre par ailleurs que les troubles de conduites alimentaires ne sont pas seulement l'apanage des filles. En fait, les garçons de cet âge seraient similaires aux filles sur la grande majorité des variables. La seule différence a trait à l'isolement social, davantage marqué et ce depuis plus longtemps chez les garçons. «Cette grande similarité entre garçons et filles appuie, à notre avis, l'hypothèse voulant que des facteurs psychiques et physiques communs, liés entre autre à la période développementale, soient impliqués dans le développement du problème alimentaire», affirme Mme Meilleur.
À propos de cette étude
Dominique Meilleure, PhD, est affiliée avec le Département de psychologie de l'Université de Montréal. Cette recherche a été rendue possible grâce à une subvention du Conseil de la recherche en sciences humaines du Canada.