Des travaux menés par des généticiens de lUniversité de Genève (UNIGE) et de lEcole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) révèlent que lémergence des glandes mammaires, et donc des mammifères à placenta et des marsupiaux, résulte du recyclage de certains gènes «architectes». Ces derniers, nommés Hox, coordonnent la formation des organes et des membres au cours de la vie embryonnaire. Ces gènes sont contrôlés par des réseaux complexes de régulations. Au cours de lévolution, des parties de ces réseaux ont été réutilisées pour produire des fonctions différentes. Ainsi, les gènes architectes ont été réquisitionnés pour former les bourgeons des glandes mammaires et, plus tard, pour la gestation. Ces travaux ont été publiés dans la revue PNAS.
Un module de régulation ubiquitaire
Le groupe de Denis Duboule, généticien à lUNIGE et à lEPFL, sintéresse aux mécanismes impliqués dans lapparition des glandes mammaires. «Nous avons observé que certains gènes architectes fonctionnent durant le développement des bourgeons mammaires chez la souris, et nous avons voulu comprendre comment et pourquoi », note le professeur.
Les chercheurs avaient identifié auparavant une région dADN adjacente aux gènes du groupe HoxD, qui forme une structure particulière en 3D pour interagir avec certains de ces gènes, afin de les activer. «Nous avons découvert que cet ADN adopte la même conformation tridimensionnelle dans des tissus aussi divers que ceux destinés à devenir un bras, un intestin ou encore une glande mammaire», détaille Leonardo Beccari, membre du groupe genevois et responsable du projet.
Cela ne concerne pas les ornithorynques
La conformation tridimensionnelle de cet ADN étant identique à celle dautres organes, il restait à comprendre ce qui caractérisait la régulation des gènes Hox dans le bourgeon mammaire, qui est apparu plus tardivement au cours de lévolution. «Nous avons découvert lexistence dune courte séquence dADN capable dactiver un gène Hox précis et qui nest présente que chez les mammifères à placenta et les marsupiaux», explique Ruben Schep, premier auteur de larticle. En effet, les mammifères qui pondent des ufs, à linstar des ornithorynques, en sont dépourvus.
Cette courte séquence dADN, nommée MBRE, na pu exercer sa fonction que parce quelle est apparue dans une région de cet ADN tridimensionnel où il existait déjà un contact avec des gènes du groupe HoxD. Le contrôle de lexpression de ces gènes dans les bourgeons mammaires a ainsi évolué grâce au détournement de ce module de régulation préexistant, expliquant larrivée plus tardive de cette structure, et donc des mammifères à placenta et des marsupiaux.
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Journal
Proceedings of the National Academy of Sciences