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L’une des premières guerres préhistoriques était plutôt une succession de violences

Peer-Reviewed Publication

CNRS

Projectile impact puncture with an embedded lithic fragment

image: Projectile impact puncture with an embedded lithic fragment in the posterior surface of the left hip bone of individual JS 21. view more 

Credit: © Isabelle Crevecoeur/Marie-Hélène Dias-Meirinho

  • Depuis les années 1960, le cimetière de Jebel Sahaba (vallée du Nil, actuel Soudan) était devenu l’emblème du concept de guerre organisée durant la Préhistoire.
  • Mais une ré-analyse des données plaide plutôt pour une succession de conflits de moindre ampleur.
  • La compétition pour l’accès aux ressources est probablement l’une des causes des conflits dont témoigne ce cimetière.

Depuis sa découverte dans les années 1960, le cimetière de Jebel Sahaba (vallée du Nil, Soudan), vieux de 13 millénaires, était considéré comme l’un des plus anciens témoignages de guerre à la Préhistoire. Des scientifiques du CNRS et de l’Université Toulouse - Jean Jaurès (1) ont ré-analysé l’ensemble des ossements conservés au British Museum (Londres) et réévalué le contexte archéologique. Dans Scientific Reports le 27 mai 2021, ils montrent qu’il ne s’agit pas d’un unique conflit armé mais plutôt d’une succession d’épisodes violents, sans doute exacerbés par des changements climatiques.

Les ossements de nombreux individus inhumés à Jebel Sahaba portent des lésions produites, pour moitié, par des projectiles dont des pointes ont été retrouvées dans les os ou dans le volume où se trouvait le corps. Cependant, leur interprétation comme témoignage de mort de masse due à un conflit armé unique restait débattue… jusqu’à ce qu’une équipe d’anthropologues, de préhistoriens et de géochimistes entreprenne de 2013 à 2019 une nouvelle étude des milliers d’ossements, d’une centaine de pièces lithiques associées et du complexe funéraire (aujourd’hui englouti par le lac Assouan).

Les ossements de 61 individus ont été réexaminés, y compris au microscope, afin de distinguer les traces de blessures de celles produites après l’enfouissement. Une centaine de nouvelles lésions, cicatrisées ou non, ont pu être identifiées, certaines présentant des éclats lithiques non reconnus précédemment et encore fichés dans les os. En plus des 20 déjà identifiés, 21 autres squelettes ont des lésions, presque toutes évocatrices de violences interpersonnelles, comme des traces d’impacts de projectiles ou des fractures. Par ailleurs, 16 individus présentent à la fois des lésions cicatrisées et non cicatrisées, ce qui suggère des épisodes de violence répétés à l’échelle de la vie d’une personne et non d’un conflit unique. Une hypothèse étayée par le fait que certains squelettes semblent avoir été perturbés par des inhumations plus tardives. De manière étonnante, hommes, femmes et enfants semblent avoir été traités de manière indifférenciée en termes de nombre et de type de lésions ou encore de la direction dont provenaient les projectiles (2).

Ces nouvelles données révèlent en outre que la majorité des lésions a été produite par des projectiles composites, des armes de jet (flèches ou lances) composées de plusieurs pièces lithiques tranchantes, dont certaines sont emmanchées latéralement. La présence de pointes diversement taillées, avec des variations dans l’orientation du tranchant, suggère que l’objectif recherché était de lacérer et faire saigner la victime.

Ces nouveaux résultats permettent de rejeter l'hypothèse d’un cimetière de catastrophe lié à une guerre unique. Ce site témoignerait plutôt d’une succession de raids ou d’embuscades plus limités envers ces chasseurs-pêcheurs-cueilleurs, à une époque de variations climatiques majeures (fin de la dernière période glaciaire et début de la période humide africaine). La concentration de sites archéologiques de cultures différentes dans une zone restreinte de la vallée du Nil à cette époque suggère que cette région devait constituer une zone refuge pour les populations humaines soumises à ces fluctuations climatiques. La compétition pour l’accès aux ressources est donc probablement l’une des causes des conflits dont témoigne le cimetière de Jebel Sahaba. Cette analyse, qui modifie l’histoire de la violence à la Préhistoire, invite à reconsidérer d’autres sites de la même époque.

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Notes

(1) Aux laboratoires « De la Préhistoire à l'actuel : culture, environnement et anthropologie » (CNRS/Université de Bordeaux/Ministère de la Culture), « Archéozoologie, archéobotanique : sociétés, pratiques et environnements » (CNRS/Museum national d’Histoire naturelle) et « Travaux et recherches archéologiques sur les cultures, les espaces et les sociétés » (CNRS/Université Toulouse - Jean Jaurès/Ministère de la Culture).

(2) Des informations issues de la comparaison avec des travaux d’archéologie expérimentale sur les techniques de chasse.


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