image: Researchers can generate perfectly random numbers by using the quantum properties of light. view more
Credit: © Thomas Le Provost
Lorsque lon souhaite échanger des messages secrets, il faut utiliser une clé de cryptage. Pour que cette clé soit efficace, elle doit être constituée de nombres aléatoires, sans structure, à lexact opposé de la date de naissance de notre animal de compagnie. Or, il est très difficile pour lêtre humain de ne pas insérer de biais, même lorsquil pense taper des nombres au hasard. Cest pourquoi des physiciens de lUniversité de Genève (UNIGE) ont mis au point un nouveau générateur de nombres aléatoires fonctionnant selon les principes de la physique quantique. Cette théorie physique, qui va généralement à lencontre de notre sens commun, prédit en effet que certains phénomènes physiques sont parfaitement aléatoires, et donc totalement imprévisibles. Contrairement à ses prédécesseurs, ce nouveau système permet à lutilisateur de contrôler en permanence la fiabilité des nombres aléatoires qui en résultent. Cette recherche, à découvrir dans la revue Physical Review Applied, va singulièrement compliquer la tâche des espions, qui ne pourront plus tabler sur les biais insérés par lintelligence humaine ou déventuelles défaillances des machines actuelles.
Pour générer une bonne clé de cryptage, il faut alterner de manière aléatoire des 0 et des 1, dits bits, à savoir lunité dinformation qui sert de base à lordinateur. Toutefois, lorsque lintelligence humaine génère une succession de nombres quelle pense aléatoire, une part reste malgré tout prédictible grâce aux études de comportement et surtout aux statistiques. En plus de cette mauvaise perception de laléatoire, le cerveau humain est bien plus lent quune machine capable de générer des millions de nombres à la seconde. Ceci ouvre la voie aux espions, qui ont la possibilité de craquer des mots de passe que lon penserait inviolables.
La physique quantique comme clé de sûreté
Depuis vingt ans, les chercheurs se sont tournés vers la physique quantique, caractérisée par ses processus totalement aléatoires et imprévisibles, pour développer de nouvelles techniques de cryptage, et en particulier la génération de nombres aléatoires. «Il sagit denvoyer un photon (une particule de lumière) sur un miroir semi-transparent. Soit il passe au travers, soit il est réfléchi. Mais il est en principe impossible de prévoir quel cas de figure va se produire. Cest cette idée de base qui sert aux générateurs quantiques», explique Nicolas Brunner, professeur au Département de Physique Appliquée de la Faculté de sciences de lUNIGE et responsable de laspect théorique de la recherche. Ces générateurs quantiques performants sont aujourdhui commercialisés. Toutefois, une limitation du système actuel est que lutilisateur est dans limpossibilité de vérifier que lappareil génère bien des nombres aléatoires et non pas une séquence prédictible, composée par exemple des décimales de π. Lutilisateur doit donc se fier à lappareil (et à son fabriquant) et supposer quil fonctionne correctement, ceci même après plusieurs années dutilisation. Il est donc légitime de se demander si le système peut être améliorer de ce point de vue.
Un nouveau générateur de nombres aléatoires self-testing
«Nous voulions créer un appareil qui pourrait se tester en permanence afin dassurer son bon fonctionnement au cours du temps et garantir la fiabilité des nombres aléatoires», précise Nicolas Brunner. Les physiciens de lUNIGE ont ainsi mis au point un générateur quantique de nombres aléatoires «selftesting», dont lutilisateur peut vérifier en temps réel quil fonctionne de manière optimale et délivre toujours des nombres aléatoires. «Le générateur doit résoudre un problème pour lequel nous lavons calibré. Sil le résout de manière correcte, les nombres sont véritablement aléatoires. Si lappareil ne trouve pas la bonne solution, le caractère aléatoire nest plus assuré et lutilisateur doit donc recalibrer son appareil. Ceci évite lutilisation de nombres peu (ou pas) aléatoires pour générer par exemple des mots de passe quun espion pourrait par la suite craquer», senthousiasme le professeur Hugo Zbinden, responsable du volet expérimental de létude.
Lappareil permet en effet de quantifier avec précision la qualité de nombres aléatoires générés. Ceux-ci seront ensuite distillés et utilisés pour des applications, comme par exemple la création de mots de passe indéchiffrables par des espions.
Ce générateur quantique de nombres aléatoires self-testing permettra daugmenter encore dun cran la sûreté des mots de passe et outils de cryptage actuels. Ici, la sécurité est garantie par les seules lois de la physique quantique, et non pas par des limitations technologiques de lespion. Cette recherche, menée par les physiciens de lUNIGE, permet de mieux comprendre laléa quantique, ainsi que son utilisation pour des applications dans les technologies de linformation.
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Journal
Physical Review Applied