Des chercheurs de lInstitut Pasteur, du CNRS et de Sanofi Pasteur viennent de développer une nouvelle méthode alternative à lexpérimentation animale, qui permettra à terme de tester linnocuité de vaccins comme celui contre la fièvre jaune. Cette démarche originale, repose sur la mise au point dun dispositif in cellulo utilisant un modèle de culture 3D, le « BBB-Minibrain », pour évaluer linnocuité de vaccins vivants à usage humain. Ce modèle a été développé par lInstitut Pasteur et une demande de brevet a été déposée par lInstitut Pasteur et lInserm. Il permet denvisager une limitation du recours aux animaux dans le contrôle qualité, notamment pour les tests effectués par lindustrie pharmaceutique pour répondre aux demandes des autorités. Les résultats de cette étude ont été publiés dans la revue Biologicals en mai 2018, et en ligne le 24 mars.
Depuis plusieurs années et suite à la directive européenne 2010/63/EU1, la communauté scientifique cherche activement à réduire le recours à lexpérimentation animale. Néanmoins, cette volonté reste entravée, pour de nombreuses applications, par labsence dalternatives acceptées par les agences règlementaires. Cest en particulier le cas des tests règlementaires qui exigent, pour les vaccins vivants viraux comme le vaccin contre la fièvre jaune, de contrôler que les lots de semences utilisés pour produire les lots de vaccins mis sur le marché ne comportent pas un risque neurotoxique. Ces tests sont actuellement effectués chez lanimal en recherchant, dans le système nerveux central, lapparition de signes cliniques évocateurs deffets secondaires neurotoxiques.
Dans ce contexte, des chercheurs de lInstitut Pasteur ont mis au point en 2014 un modèle de culture 3D mimant linterface sang-cerveau de lhomme, le « BBB-Minibrain ». Ce modèle, formé dune barrière hémato-encéphalique (« blood-brain barrier » - BBB) associée à une culture mixte de neurones, astrocytes et microglie (Minibrain), permet de détecter lentrée des virus dans le cerveau au travers de la BBB, leur multiplication dans le Minibrain et lapparition déventuels effets neurotoxiques. Il a fait lobjet de la demande de brevet WO2016038123.
Les chercheurs ont proposé déprouver la capacité du BBB-Minibrain à repérer et amplifier les rares particules mutantes neuro-invasives et neurovirulentes qui pourraient être présentes dans les lots de semences des vaccins viraux vivants. Pour cela, ils ont choisi dutiliser deux souches vaccinales du virus de la fièvre jaune, dont la souche à partir de laquelle le vaccin est actuellement produit et qui est dénuée de neurotoxicité.
En collaboration avec les équipes de recherche de Sanofi Pasteur, ils ont démontré que le « BBB-Minibrain » permet didentifier les rares particules virales qui, à partir des préparations vaccinales, ont acquis la propriété dentrer dans le cerveau et de sy multiplier. Ce test devrait donc permettre, à lavenir, décarter les lots de semences qui contiennent des virus mutants capables de pénétrer dans le cerveau et de devenir neuro-virulents.
Comme lexplique Monique Lafon, auteure principale de létude et directrice du département de Virologie à lInstitut Pasteur, « le remplacement des tests sur animaux est un défi majeur posé à la recherche. Le modèle BBB-Minibrain est un outil ingénieux qui va nous permettre de mieux analyser les bases de la neurovirulence de ces virus qui colonisent le cerveau par la voie sanguine ».
Ce travail de recherche représente donc une première preuve de concept et de faisabilité de la mise au point dun test substitutif dans le cadre de la mise en uvre de la règle des 3Rs. Le travail de développement de ce test est en cours. A terme, lobjectif est que ce nouveau test puisse être validé par les autorités.
Le modèle « BBB-Minibrain » permet despérer le développement dune méthode de remplacement pour la réalisation, par lindustrie pharmaceutique, de tests réglementaires sur les vaccins viraux vivants. Cette méthode vise ainsi à limiter lutilisation danimaux tout en assurant un suivi rigoureux des bénéfices et avancées scientifiques réalisés pour la santé humaine.
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1 Cette directive a instauré la règle des 3Rs : les soins et lutilisation danimaux vivants à des fins scientifiques sont régis par des principes de Remplacement, de Réduction et de Raffinement établis sur le plan international.
Journal
Biologicals