Le changement climatique constitue une menace pour les cultures vivrières mondiales. Les vagues de chaleur, appelées à se renforcer selon les prévisions d'évolution du climat, génèrent un stress thermique néfaste pour la production agricole. Dans ce contexte, identifier les variétés résistantes s'avère crucial pour garantir la sécurité alimentaire des populations et la résilience des agriculteurs. Jusqu'à présent, de nombreuses recherches ont été conduites sur l'amélioration variétale, qui consiste à créer et choisir les plantes qui présentent les caractéristiques recherchées. Mais peu d'études ont porté sur la diversité intra spécifique, définie par le degré de variétés de gènes existant au sein d'une même espèce.
Dans cette étude, l'équipe internationale s'est intéressée à la patate douce, cinquième production mondiale après le maïs, le blé, le riz et le manioc. Ce tubercule, cultivé pour sa robustesse et sa tolérance aux chocs climatiques, a un fort potentiel pour atteindre les Objectifs de développement durable (ODD) adoptés par les Nations Unies à l'horizon 2030 : il est planté dans des zones sujettes à l'érosion pour protéger les terres agricoles (ODD 12 et 15) ; il présente une haute valeur nutritionnelle dépassant la plupart des aliments de base en vitamines A et C, en calcium, en fer, en fibres alimentaires et en protéines (ODD 2 et 3) ; avec des périodes de plantation et de récolte flexibles, sa culture demande moins de main-d'uvre et est donc particulièrement adaptée aux migrations humaines (ODD 10 et 16).
Des variétés traditionnelles locales performantes sous stress thermique
Dans le cadre du programme de recherche sur les racines, les tubercules et les bananes (RTB ) du CGIAR, les chercheurs ont évalué la résistance au stress thermique de 1973 variétés différentes de patate douce, provenant de la collection de la banque génétique de l'IPC. Parmi ces cultivars provenant de 50 pays, des variétés traditionnelles et modernes, ainsi que des lignées d'élevage, multipliées in vitro puis plantées dans des champs irrigués aux conditions contrôlées sur un site expérimental de 2,5 hectares dans le désert côtier du nord du Pérou. L'analyse des données sur les racines et le feuillage a permis de mesurer l'effet de l'exposition répétée à des températures extrêmes - supérieures à 35°C - sur la performance des plants.
Résultat : « 132 cultivars, dont 65,9 % de variétés traditionnelles locales, ont montré une bonne résistance au stress thermique. Ils représentent des candidats prometteurs pour la sélection de variétés à hauts rendements et tolérants à la chaleur », précise Bettina Heider, chercheuse au CIP, première auteur de l'étude. « Ce dépistage de masse, mené à des échelles géographiques sans précédent (Amérique, Afrique, Asie), s'avère crucial pour identifier les traits de tolérance thermique de la patate douce, en vue d'une caractérisation moléculaire plus poussée des gènes spécifiques », précise Olivier Dangles, écologue à l'IRD co-auteur de l'étude. « Face au changement climatique, la diversité intra spécifique, fruit de centaines d'années de coévolution entre les agriculteurs et leurs cultures, se révèle capitale. Cela rappelle le rôle de l'agro-biodiversité pour la résilience des agrosystèmes tropicaux », poursuit-il.
Favoriser l'adaptation des agriculteurs
« Nos résultats suggèrent également que la température de la canopée et le niveau de caroténoïdes pourraient être des marqueurs appropriés pour sélectionner les lignées résistances à la chaleur », ajoute Emile Faye, chercheur en agroécologie numérique au Cirad. « Des expériences participatives doivent cependant être conduites dans différents contextes, pour tester l'efficacité et la viabilité économique des variétés identifiées ».
La diversité intra spécifique offre ainsi plus d'options aux agriculteurs pour gérer les risques climatiques et renforcer la résilience de leurs systèmes de production. Les auteurs recommandent de partager ces connaissances avec les agriculteurs, afin qu'ils adoptent des variétés aux rendements élevés et qui offrent une valeur nutritionnelle améliorée.
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Journal
Nature Climate Change