Quelles sont les capacités fondamentales que les jeunes enfants doivent développer au début de lécole pour leur réussite scolaire future? Si de très nombreuses recherches révèlent des liens étroits entre les compétences cognitives (lattention, la mémoire, etc.) et scolaires dune part et les compétences émotionnelles dautre part chez les élèves de lécole primaire à luniversité, peu de travaux ont déjà exploré ces liens chez les enfants de 3 à 6 ans en contexte scolaire. Une équipe de recherche de lUniversité de Genève (UNIGE) et de la Haute Ecole Pédagogique du canton du Valais (HEP-VS), en collaboration avec des enseignant-es de la Savoie en France et leur formateur, ont examiné les liens entre la connaissance des émotions, la coopération, lactivité locomotrice et les compétences numériques chez 706 élèves âgés de 3 à 6 ans. Les résultats, à lire dans la revue Scientific Reports, démontrent pour la première fois que la connaissance des émotions, les comportements sociaux de coopération et lactivité locomotrice sont interdépendants et associés aux compétences numériques. Ces résultats rejoignent le consensus politique et scientifique sur limportance des capacités socio-émotionnelles au début de la scolarité et suggèrent dajouter lactivité locomotrice à ces capacités fondamentales.
Un nombre croissant détudes examinent les capacités fondamentales qui préparent les enfants à lécole et qui sont particulièrement essentielles pour leur future réussite scolaire. «Parmi ces capacités, la connaissance des émotions y contribue de manière significative et constitue un prédicteur à long terme du comportement social et des résultats dès le début de la scolarité», précise Edouard Gentaz, professeur au Département de psychologie de la Faculté de psychologie et des sciences de léducation (FPSE) de lUNIGE et dernier auteur de cette étude. En revanche, peu de travaux étudient les liens entre les compétences socio-émotionnelles et académiques chez des enfants dâge préscolaire. «Pour combler cette lacune, nous nous sommes associé-es à la HEP-Valais et à une équipe denseignant-es de la Savoie en France, encadrée par leur conseillère pédagogique, pour examiner la façon dont la connaissance des émotions, le comportement social et lactivité locomotrice sont associés et liés aux compétences numériques de 706 élèves âgés de 3 à 6 ans», poursuit le chercheur genevois. Contrairement à la plupart des recherches qui examinent généralement les résultats scolaires à travers des tests de lecture, cette étude sintéresse aux apprentissages numériques dont les performances sont moins corrélées avec le niveau socio-économique des parents que les habiletés langagières.
Des épreuves originales adaptées à lâge et au contexte éducatif préscolaires
Pour examiner les liens entre les quatre variables étudiées, des épreuves adaptées aux âges des élèves ont été élaborées en étroite collaboration avec 33 enseignant-es volontaires, qui ont participé à un atelier interactif dans lequel ils/elles ont été formé-es à mettre en place, exécuter et évaluer les différentes épreuves de manière standardisée. Ainsi, la connaissance des émotions était évaluée à travers deux tâches de compréhension des émotions. La première mesurait la reconnaissance des émotions primaires que sont la colère, la peur, la joie et la tristesse ainsi quune expression faciale neutre et la seconde la compréhension des causes externes qui sous-tendent ces émotions chez les autres. Cette deuxième tâche était subdivisée en deux sous-tâches différentes: lenseignant-e présentait successivement à lélève cinq scénarios de dessins illustrés par une image dun personnage dont le visage était laissé en blanc, faisant face à une situation particulière (par exemple, Ce garçon vient de recevoir un cadeau pour son anniversaire) et lui demandait ensuite dindiquer, parmi cinq illustration dexpressions faciales, celle qui correspondait à ce que ressentait le personnage dans chaque situation, dabord en la pointant du doigt (réponses non verbales), puis en la nommant. Lévaluation des compétences mathématiques comprenait trois épreuves numériques. Par exemple, la première épreuve cherchait à évaluer si les élèves comprenaient que le cardinal dune collection ne change pas lorsque la disposition spatiale ou la nature de ses éléments est modifiée: lenseignant-e plaçait devant lélève une photographie montrant quatre collections dobjets (dont deux composées du même nombre déléments) et lui demandait dindiquer la collection qui contenait le plus grand nombre dobjets, celle qui en contenait le moins et les deux collections qui en contenaient le même nombre.
En travaillant en étroite collaboration avec les enseignant-es et leur formateur, les psychologues ont développé des grilles dobservation pour évaluer lactivité locomotrice et le comportement social des élèves. Pour lactivité locomotrice, la grille créée permettait de coter la performance des enfants lors de la réalisation dun parcours dagilité composé de diverses installations disposées au sol et en hauteur. Quant au comportement social, la grille développée permettait dévaluer les réactions et attitudes des enfants lors de la pratique de deux jeux collectifs différents (lun avec ballon et lautre sans) observés par les enseignant-es.
Des compétences clés pour favoriser les apprentissages numériques
Les résultats de cette étude révèlent que la connaissance des émotions, lactivité locomotrice et le comportement social sont interdépendants et associés aux compétences numériques des élèves dès lâge de 3 à 6 ans. «En effet, les analyses statistiques spécifiques (de régression et de médiation) montrent que lobtention de scores élevés aux épreuves évaluant la connaissance des émotions, lactivité locomotrice et le comportement social prédit de meilleures performances mathématiques chez ces élèves», relève Thalia Cavadini, chercheuse au Département de psychologie de la FAPSE et première auteure de létude. «Ainsi, nos résultats rejoignent le consensus établi dans le monde scientifique sur limportance des capacités socio-émotionnelles au début de la scolarité et suggèrent dajouter lactivité locomotrice à ces capacités fondamentales», conclut-elle. De plus, cette étude démontre pour la première fois que les compétences émotionnelles, sociales et locomotrices favorisent les apprentissages scolaires chez les tout-petits.
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Journal
Scientific Reports