News Release

Un enfant impulsif bien traité consommerait moins d'alcool à l'adolescence

Peer-Reviewed Publication

University of Montreal

Montréal, le 22 juin 2016 – De nombreux travaux de recherche au fil des ans ont montré que l'impulsivité à l'enfance est une des vulnérabilités personnelles liées à l’abus de substances, à la délinquance, à l’agressivité et aux conduites antisociales à l'adolescence et à l'âge adulte. Des chercheurs du CHU Sainte-Justine et de l’Université de Montréal viennent pourtant de découvrir une inversion de cette tendance pour ceux qui sont élevés dans un milieu peu coercitif. « Nos résultats montrent qu'il y aurait lieu de réviser l’étiquette de « vulnérable » souvent accolée aux enfants impulsifs. Car parmi eux, ceux qui ont été élevés dans des familles peu coercitives à l’âge de 6 ans semblent consommer moins d’alcool à l’âge de 15 ans que les autres enfants. Ainsi leur soi-disant vulnérabilité se transformerait en avantage », affirme Charlie Rioux, candidate au doctorat en psychologie et première auteure d’un article publié dans la revue scientifique Development and Psychopathology.

L’impulsivité de l’enfant se manifeste par des gestes posés rapidement et sans réfléchir. Or, selon les chercheurs, ce trait traditionnellement jugé comme négatif pourrait se transformer en avantage dans un bon environnement familial. « Une métaphore suédoise illustre bien ce modèle de sensibilité différentielle à l’environnement », avance Charlie Rioux. « De nombreux enfants exposés à des environnements éprouvants s’en sortent très bien. On les dit résilients, ou « enfants pissenlits », puisqu’ils sont capables de s'adapter dans des conditions difficiles. Les enfants plus sensibles à leur environnement, comme les enfants impulsifs, sont appelés « enfants orchidées ». Car si l'orchidée se fane dans des conditions hostiles, elle s'épanouit à force d'attentions et de soins. Nous avons observé que s’ils sont effectivement élevés dans un environnement favorable, les enfants « orchidées » non seulement s’en sortent bien à l’adolescence, mais ils pourraient même, à divers égards, surpasser leurs pairs moins sensibles. » Il s’agit là d’une conclusion intéressante, à laquelle sont arrivés les chercheurs en s’attardant non seulement à l’évolution de ces enfants dans des milieux hostiles ou « adverses », mais également dans des milieux « sans adversité ».

Pour parvenir à ces résultats, les chercheurs ont étudié 209 jeunes nés entre 1996 et 1997 dans les régions urbaines du Québec. Lorsque ces jeunes avaient 6 ans, leurs mères ont répondu à des questionnaires portant sur l'impulsivité de leur enfant et les mesures de coercition qu’elles exerçaient en tant que parent, tel que crier, secouer et taper l'enfant. Puis, à l’âge de 15 ans, les jeunes ont rapporté la fréquence de leur consommation d'alcool. Les résultats de l’étude montrent qu’en présence de pratiques maternelles coercitives fréquentes à l’âge de 6 ans, un niveau élevé d'impulsivité à cet âge est associé à une consommation d'alcool fréquente à 15 ans. À l’opposé, toutefois, des pratiques maternelles coercitives peu fréquentes auprès d’un enfant très impulsif à 6 ans sont associées à une consommation d'alcool moins fréquente que chez les jeunes moins impulsifs. « Ces résultats sont particulièrement intéressants, puisque l'impulsivité est souvent considérée comme un facteur de risque pour la consommation d'alcool. Or, nos résultats montrent que les enfants plus impulsifs peuvent aussi consommer moins d'alcool que les enfants peu impulsifs lorsqu’ils sont exposés à des pratiques maternelles peu coercitives », explique Jean Séguin, PhD, professeur au Département de psychiatrie de l'Université de Montréal, chercheur au CHU Sainte-Justine et codirecteur de la thèse de Charlie Rioux.

Par ailleurs, les résultats d’une revue de la littérature scientifique aussi réalisée par ces chercheurs vont dans le même sens. La revue, publiée dans Developmental Review, leur a permis de faire ressortir 14 études portant sur le rôle joué par l'environnement familial et le tempérament de l’enfant et de l’adolescent dans la manifestation, à l’adolescence, de ce que les chercheurs appellent des « troubles extériorisés ». La délinquance, les comportements antisociaux et les problèmes d'attention et de consommation de substances en font partie. À l’instar des enfants ayant un tempérament impulsif, il ressort de cette revue que chez les enfants sensibles, c’est-à-dire qui manifestent de l’impulsivité, de la désinhibition ou peu d’appréhension ou de gêne à l’enfance, la sensibilité est aussi associée à des niveaux plus élevés de troubles extériorisés à l'adolescence quand ils ont été élevés dans des milieux adverses, mais plus faibles quand ils ont été élevés dans des environnements familiaux adéquats des points de vue des pratiques parentales maternelles ou paternelles, des relations parent-enfant ou du niveau de conflit marital. À l’adolescence par contre, il n'y aurait plus d'effet bénéfique de la sensibilité dans des environnements adéquats.

« Bien qu’il y ait plusieurs facteurs qui entrent en ligne de compte pour orienter le comportement futur des enfants, nos conclusions tendent à suggérer qu'une attention particulière et dès la petite enfance aux besoins des enfants impulsifs ou sensibles à leur environnement pourrait favoriser l’expression de leur plein potentiel », conclut Charlie Rioux. « Pour le démontrer, il faudra toutefois reproduire nos résultats dans le cadre d’études cliniques qui suivront ce même modèle de sensibilité différentielle, notamment en évaluant l’impact non seulement de méthodes parentales plus ou moins coercitives, mais également de programmes d’intervention visant les pratiques parentales. »

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À propos des études

Les articles intitulés « Differential susceptibility to environmental influences: Interactions between child temperament and parenting in adolescent alcohol use » et « The interaction between temperament and the family environment in adolescent substance use and externalizing behaviors: Support for diathesis–stress or differential susceptibility? » ont été respectivement publiés récemment dans les revues scientifiques Development and Psychopathology et Developmental Review. Charlie Rioux est la première auteure. Elle a réalisé ses travaux sous la supervision de Jean R. Séguin, PhD, professeur au Département de psychiatrie de l’Université de Montréal et de Natalie Castellanos-Ryan, PhD, avec la collaboration de Sophie Parent, PhD, toutes deux professeures à l’École de psychoéducation de l’Université de Montréal. Tous font partie du Groupe de recherche sur l’inadaptation psychociale (le GRIP), dont la mission est de décrire et de comprendre le développement psychosocial des enfants et d’intervenir dans ce développement. Les travaux de recherche ont été soutenus financièrement par les Instituts de recherche en santé du Canada (IRSC), le Conseil de recherche en sciences humaines du Canada (CRSH), le Fonds de recherche du Québec – Santé (FRQS), le Fonds de recherche du Québec – Nature et technologies (FRQNT), le Fonds de recherche du Québec – Société et culture (FRQSC) et l’Institut de la statistique du Québec (ISQ) et ses partenaires. Charlie Rioux est boursière des IRSC, du FRQS et de l'Université de Montréal.


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