Larrivée de demandeurs dasile entraîne-t-elle une dégradation des performances économiques et des finances publiques des pays européens qui les accueillent ? La réponse est non, selon des économistes du CNRS, de lUniversité Clermont-Auvergne et de lUniversité Paris-Nanterre (1), qui estiment un modèle statistique dynamique à partir de 30 ans de données de 15 pays dEurope de lOuest. Au contraire, limpact économique tend à être positif lorsquune partie dentre eux deviennent résidents permanents. Cette étude est publiée dans Science Advances le 20 juin 2018.
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Plus dun million de personnes ont demandé lasile dans lun des pays de lUnion européenne en 2015, ce qui en fait une année record. Quel est limpact économique et fiscal des flux migratoires ? Cette étude nest pas la première à se pencher sur la question (2), mais la méthode utilisée est nouvelle. En effet, les approches traditionnelles sont principalement comptables : elles comparent les impôts payés par les immigrés aux transferts publics qui leur sont versés mais ne tiennent pas compte des interactions économiques (3).
Les chercheurs ont eu recours à un modèle statistique introduit par Christopher Sims, lauréat en 2011 du prix de la Banque de Suède en sciences économiques en mémoire d'Alfred Nobel. Très utilisé pour évaluer les effets des politiques économiques, il laisse parler les données statistiques en imposant très peu da priori. Les données macroéconomiques et les données de flux migratoires utilisées proviennent dEurostat et de lOCDE et concernent 15 pays dEurope de lOuest : Allemagne, Autriche, Belgique, Danemark, Espagne, Finlande, France, Irlande, Islande, Italie, Norvège, Pays-Bas, Portugal, Royaume-Uni et Suède.
Les chercheurs ont distingué les flux de demandeurs dasile de ceux des autres migrants. Ils ont évalué les flux de ces derniers par le solde migratoire, qui ne prend pas en compte les demandeurs dasile. Les flux de demandeurs dasile concernent des personnes en situation légale le temps de linstruction de leur demande dans le pays daccueil, qui ne les considèrera comme résident que si leur demande dasile est acceptée.
Au cours de la période étudiée (1985-2015), lEurope de lOuest a connu une augmentation importante des flux de demandeurs dasile suite aux guerres dans les Balkans entre 1991 et 1999 et à partir de 2011 à la suite des Printemps arabes et du conflit syrien. Dautre part, les flux de migrants, notamment intracommunautaires, ont augmenté après lélargissement de lUE vers lest en 2004. Autant doccasions de tester les conséquences dune augmentation non anticipée des flux migratoires sur le PIB par habitant, le taux de chômage et les finances publiques.
Les chercheurs montrent quune augmentation de flux de migrants permanents (cest-à-dire hors demandeurs dasile) à une date donnée produit des effets positifs jusquà quatre ans après cette date : le PIB par habitant augmente, le taux de chômage diminue et les dépenses publiques supplémentaires sont plus que compensées par laugmentation des recettes fiscales. Dans le cas des demandeurs dasile, aucun effet négatif nest observé et leffet devient positif au bout de trois à cinq ans, lorsquune partie des demandeurs obtient lasile et rejoint la catégorie des migrants permanents.
Selon ces résultats, il est peu probable que la crise migratoire en cours soit une charge pour les économies européennes : au contraire, elle pourrait être une opportunité économique.
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Notes :
(1) Hippolyte dAlbis, chercheur CNRS au laboratoire Paris Jourdan sciences économiques (CNRS/EHESS/ENS Paris/École des Ponts ParisTech/Inra/Université Paris 1 Panthéon-Sorbonne) et professeur associé à PSE, Ekrame Boubtane, enseignant-chercheur de lUniversité Clermont-Auvergne au Centre d'études et de recherches sur le développement international (CNRS/Université Clermont-Auvergne), Dramane Coulibaly, enseignant-chercheur de lUniversité Paris-Nanterre au laboratoire EconomiX (CNRS/Université Paris-Nanterre).
(2) Les précédentes études se sont plutôt penchées sur limmigration permanente (hors demandeurs dasile, donc). Certaines ont montré des conséquences économiques positives de limmigration, dautres des effets négatifs.
(3) A titre dexemple, laugmentation de certaines dépenses publiques peut relancer lactivité économique et, par conséquent, accroitre les recettes fiscales.