image: Hair bundles of vestibular sensory cells analyzed using scanning electron microscopy. The image shows a normal hair bundle with its characteristic "staircase" pattern (in yellow), a defective Usher type 1G hair bundle (in pink) and a treated Usher type 1G hair bundle (in green), whose normal/characteristic form was restored with gene therapy. view more
Credit: © Institut Pasteur
La surdité, associée dans certains cas à des troubles de léquilibre, est le déficit sensoriel le plus fréquent. Elle affecte plus de 280 millions de personnes dans le monde, selon lOMS. En France, 1 enfant sur 700 naît avec une surdité sévère ou profonde, et 1 enfant sur 1000 deviendra malentendant avant lâge adulte.
Depuis 20 ans, des progrès considérables ont été réalisés dans la compréhension des surdités héréditaires présentes dès la naissance, dont la cause la plus fréquente est un dysfonctionnement de loreille interne. Loreille interne est constituée de lorgane de laudition (cochlée) et des cinq organes de léquilibration (saccule, utricule, et trois canaux semi-circulaires), contenant les cellules sensorielles ou cellules ciliées. A ce jour, près de 100 gènes responsables de surdité isolée et un nombre semblable de gènes responsables de surdité syndromique ont été identifiés.
Parmi les différentes formes génétiques de surdité, le syndrome de Usher de type 1 (USH1) est caractérisé par une surdité congénitale profonde, des troubles de léquilibration, et une atteinte visuelle progressive qui évolue vers la cécité. Ce syndrome peut être causé par des mutations dans 5 gènes différents, dont le gène USH1G codant pour une protéine « déchafaudage » nécessaire à la cohésion de la touffe ciliaire des cellules ciliées.
Actuellement, les individus atteints de surdité et de troubles de l'équilibre sont équipés de prothèses auditives et peuvent bénéficier d'une rééducation pour améliorer leurs troubles de l'équilibre, mais les résultats sont variables. Une alternative envisageable pour traiter les surdités dorigine génétique est la thérapie génique, cest-à-dire le transfert dune copie saine (non mutée) du gène défectueux, afin de rétablir lexpression de la protéine déficiente. Cependant, à ce jour, seule une amélioration partielle de l'audition a pu être obtenue dans des modèles murins de formes particulières de surdité humaine, qui ne comportaient pas danomalie sévère de la structure des cellules ciliées.
Dans ce contexte, des chercheurs de lInstitut Pasteur, de lInserm, du CNRS, du Collège de France, de lUniversité Pierre et Marie Curie et de lUniversité Clermont Auvergne* viennent de restaurer laudition et léquilibre chez un modèle murin du syndrome USH1 grâce à une thérapie génique. Par une injection locale unique, après la naissance, du gène USH1G, les chercheurs ont réussi à rétablir la structure, très endommagée dès la naissance, de lappareil de transduction mécano-électrique des cellules ciliées, et ont ainsi permis aux souriceaux de recouvrer, et ce de manière durable, partiellement louïe et complètement léquilibre.
Les chercheurs ont procédé à linjection du gène USH1G dans loreille interne en utilisant le virus AAV8, inoffensif pour la santé mais permettant de cibler spécifiquement les cellules ciliées. Lexpression du gène médicament a été détectée dès 48 heures après linjection. Les chercheurs ont démontré quune seule injection, en rétablissant la production et la localisation de la protéine concernée dans les cellules ciliées, est suffisante pour améliorer laudition et léquilibration chez les souriceaux atteints. Ces résultats suggèrent que la protéine médicament a pu interagir normalement avec ses partenaires de liaison au sein du complexe moléculaire USH1 (c'est-à-dire avec les protéines cadhérine 23, protocadhérine 15, myosine VIIa, et harmonine), comme requis pour le bon fonctionnement des canaux de la transduction mécano-électrique.
Comme lexplique Saaïd Safieddine, directeur de recherche du CNRS à lInstitut Pasteur et co-dernier auteur de létude avec le Pr Christine Petit, « nous venons de prouver quil est possible de corriger partiellement une forme génétique particulière de surdité accompagnée de troubles de léquilibre, grâce à une thérapie génique locale effectuée après le stade du développement de loreille qui est affecté le premier par la mutation responsable. La fenêtre de temps pour traiter efficacement le syndrome USH1 par thérapie génique pourrait donc être plus large quinitialement envisagée. »
Cette étude constitue une étape importante vers la conception dessais cliniques de thérapie génique en vue dun traitement curatif de certaines formes génétiques de surdité chez l'Homme.
*Du laboratoire Génétique et physiopathologie de laudition (Institut Pasteur/Inserm/UPMC), du laboratoire Gènes, synapses et cognition (CNRS/Institut Pasteur), du Centre de neurophysique, physiologie, pathologie (CNRS/Université Paris-Descartes), et du laboratire Biophysique Sensorielle (Université Clermont Auvergne).
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Journal
Proceedings of the National Academy of Sciences