Lorsquun virus attaque notre organisme, une inflammation se crée dans la zone touchée, ce qui déclenche le processus de défense immunitaire de notre corps. Les globules blancs (tels que les neutrophiles et les monocytes inflammatoires) sont mobilisés rapidement sur le lieu de linflammation. Jusquà maintenant, il était prouvé que les neutrophiles étaient les premiers défenseurs à arriver sur place. Mais aujourdhui, des chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE) ont découvert que leur recrutement sur les lieux de lattaque virale repose sur une population de monocytes patrouilleurs, dits «résidents», et sur une protéine nommée CCN1, produite par les plaquettes et par lendothélium (le vaisseau sanguin). Sans elle, les défenseurs ne sont plus recrutés pour combattre le virus. Cette découverte, à lire dans la revue PNAS, ouvre le champ à de nouvelles thérapies possibles dans les traitements antiviraux.
En cas dagression, les globules blancs quittent la circulation sanguine et migrent dans le tissu au niveau du site inflammatoire. Les neutrophiles sont les premiers à être recrutés en quelques heures, suivis des monocytes inflammatoires qui arrivent en renfort un peu plus tardivement. Les neutrophiles sont ainsi captés à lendroit où lendothélium est stressé par lattaque. Ils adhèrent à sa paroi et migrent ensuite hors du vaisseau afin datteindre le tissu lésé et combattre linfection.
Au repos, lendothélium est sans cesse parcouru par les monocytes résidents chargés de patrouiller le moindre recoin des vaisseaux sanguins pour vérifier leur intégrité, tels des sentinelles. A ce jour, la capacité des monocytes résidents à patrouiller les vaisseaux sanguins dans linitiation de linflammation navait jamais était mise en évidence.
Une nouvelle protéine identifiée
Des chercheurs du Département de pathologie et immunologie de la Faculté de médecine de lUNIGE se sont interrogés sur le rôle des monocytes résidents dans linitiation de linflammation: participent-ils au recrutement des neutrophiles et des monocytes inflammatoires ? Et existe-t-il une molécule impliquée dans leur fonction de patrouilleurs ? «A laide de la microscopie intravitale, une technique qui permet de suivre lactivité des cellules dans le sang en temps réel, nous avons observé quà létat de repos, lendothélium produit une protéine appelée CCN1 qui tapisse la face interne du vaisseau sanguin. Si nous bloquons lactivité de cette protéine, tout le travail de patrouilleurs effectué par les monocytes résidents est perturbé. En effet, ceux-ci se déplacent dès lors plus lentement le long des vaisseaux sanguins et négligent les endroits à surveiller. Nous avons donc découvert que CCN1 fournit un support moléculaire pour un déplacement efficace des monocytes résidents», explique Yalin Emre, co-auteur de létude.
Les chercheurs ont ainsi constaté limportance de la protéine CCN1 à létat de repos. Mais lorsque lorganisme est attaqué par un virus, joue-t-elle également un rôle ? En créant une inflammation des vaisseaux sanguins à laide dun agent mimant une infection virale chez la souris, les scientifiques ont observé que le taux de CCN1 fixé à lendothélium quadruple en 20 minutes, celui des monocytes patrouilleurs triple en 30 à 60 minutes, alors que les neutrophiles arrivent sur le lieu de linflammation 120 minutes après le déclenchement de lattaque virale. «En bloquant lactivité de CCN1 pendant linflammation, nous avons constaté que le recrutement des monocytes patrouilleurs et des neutrophiles était supprimé, ce qui confirme limportance du rôle de cette protéine dans les premiers temps de linflammation», ajoute Yalin Emre. Cest la première fois que lon découvre que des monocytes, en loccurrence les monocytes patrouilleurs, sont mobilisés avant les neutrophiles. Mais contrairement aux neutrophiles, ils saccumulent sur la face interne du vaisseau et ne sortent pas dans le tissu environnant. Au lieu de cela, ces monocytes patrouillent méticuleusement le long de lendothélium et produisent des molécules responsables de lattraction et du recrutement des neutrophiles.
A lorigine de laction de défense : les plaquettes
Il sagissait encore dexpliquer comment le taux de CCN1 quadruplait aussi rapidement en cas de lésion. «Grâce à la microscopie intravitale, nous avons vu quen temps normal les monocytes patrouilleurs nétablissent pas de contact avec les plaquettes. Celles-ci circulent donc librement dans le sang. Mais dès quil y a une inflammation, les plaquettes interagissent directement avec les monocytes patrouilleurs et libèrent également la protéine CCN1 qui vient se fixer sur lendothélium, doù cette forte augmentation», explique le chercheur. Laugmentation du taux de CCN1 est absolument indispensable dans le recrutement des monocytes résidents et dans leur activité de patrouillage. En cas dattaque virale et en labsence de plaquettes dans le sang, le niveau de CCN1 naugmente plus, supprimant de ce fait le recrutement des monocytes patrouilleurs, qui eux-mêmes, dès lors, nappellent plus ni les neutrophiles, ni les monocytes inflammatoires. «Nous avons donc découvert lélément premier de la cascade de recrutement de nos défenses immunitaires. Sans plaquette, nous sommes démunis pour la mise en place de nos défenses, du moins dans les premiers instants de linflammation», conclut Yalin Emre.
CCN1 est donc indispensable tant pour guider les troupes de patrouilleurs, que pour déclencher la réponse immunitaire immédiate en cas dattaque virale. Ceci ouvre la voie à de nouvelles thérapies possibles dans le traitement antiviral. En effet, jusquà présent, les chercheurs se fixaient principalement sur les cellules (lymphocytes, cellules NK, neutrophiles, macrophages) détectées dans les tissus infectieux pour tenter de combattre les virus. A présent, ils pourront également se baser sur le rôle des monocytes patrouilleurs, mais aussi sur celui de CCN1 et sur les plaquettes.
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Journal
Proceedings of the National Academy of Sciences