Le cortex cérébral est composé dune multitude de neurones, chacun doté de caractéristiques propres sur les plans moléculaire, morphologique et fonctionnel. Mais où naissent-ils? Comment développent-ils leurs propriétés particulières? A lheure actuelle, il nexiste aucune réponse complète à ces questions, notamment en raison de limitations méthodologiques. Des chercheurs du Pôle de recherche national (PRN) Synapsy et de lUniversité de Genève (UNIGE) apportent un premier élément de réponse. Ils ont en effet découvert un facteur moléculaire unique qui leur permet de suivre, de la naissance à la maturité, une classe homogène de neurones nommée neurogliaforme. Ces résultats, à lire dans la revue e-life, retracent pour la première fois la genèse de ces neurones et leur évolution, ouvrant de nouvelles opportunités dans la compréhension du fonctionnement du cortex cérébral et des spécificités neuronales.
Deux types de neurones sont nécessaires pour que le cortex cérébral puisse fonctionner de façon harmonieuse : les excitateurs (80%), responsables de la transmission de linformation à dautres régions cérébrales, et les inhibiteurs (20%), qui régulent lactivité des excitateurs. Les neurones inhibiteurs, nommés également interneurones, sont considérés comme de véritables «chefs dorchestre». Ils modulent le flux excitateur et le rendent cohérent, un fondement dans laccomplissement de tâches complexes. Aujourdhui, il est encore difficile davoir accès aux sous-classes de neurones inhibiteurs pour en saisir précisément le rôle dans le bon fonctionnement du cortex cérébral adulte. Doù viennent-ils ? Comment se spécialisent-ils ?
Un outil pour pister les neurones
Pour tenter de répondre à ces questions, deux modèles sont proposés par les neuroscientifiques. Le premier considère que les différentes classes de neurones naissent avec la même identité et se spécialisent par la suite en fonction de leur environnement. Au contraire, le second prône une diversité génétique initiale, qui, dès la naissance de la cellule, les amène à exprimer les traits dune classe donnée.
Léquipe dAlexandre Dayer, professeur au Département de psychiatrie et des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de lUNIGE, sest alors intéressée à développer un outil qui permettrait non seulement de savoir où est généré un type précis dinterneurones inhibiteurs et de suivre leur migration jusquau cortex cérébral, mais aussi den étudier les propriétés à lâge adulte. «Nous avons observé et testé plusieurs facteurs de transcription, responsables de la régulation génétique, et nous avons découvert que le facteur HMX3 est exprimé très localement dans une région de genèse des interneurones. Ceci pourrait figurer lempreinte génétique initiale dune classe précise!», senthousiasme Alexandre Dayer. Suivant cette hypothèse, les chercheurs ont découvert que le gène HMX3 permet effectivement de suivre la trajectoire développementale dun type unique dinterneurones, les cellules neurogliaformes.
Spécialisés dès la naissance
«Grâce à une souris génétiquement modifiée permettant de suivre la lignée HMX3, nous avons pu découvrir lorigine des cellules neurogliaformes et suggérer que ce sous-type dinterneurones est défini par lexpression de ce facteur», explique Mathieu Niquille, chercheur au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine de lUNIGE. «Non seulement cette catégorie dinterneurones trouve son origine dans une zone appelée aire pré-optique, située très loin du cortex cérébral, mais elle naît déjà spécialisée. Cela donne du crédit au second modèle proposé par les neuroscientifiques», ajoute-t-il.
Pour la première fois, des chercheurs sont capables de localiser avec précision lendroit où est générée une catégorie particulière de neurones inhibiteurs, et de suivre son parcours jusquau cortex cérébral. «Cette découverte est une importante avancée dans la compréhension de la genèse de la diversité neuronale, relève Alexandre Dayer. Nos résultats démontrent que des facteurs génétiques précoces sont responsables de la spécialisation des cellules neurogliaformes, et quil en est probablement de même avec la vingtaine dinterneurones que lon peut observer dans le cortex cérébral.» Chaque type naîtrait ainsi avec ses particularités dans un endroit précis du cerveau.
Les chercheurs de lUNIGE veulent à présent élucider le rôle unique des cellules neurogliaformes et tenter déclaircir lorigine des autres classes dinterneurones. «Cette recherche ouvre également des perspectives pour une meilleure compréhension de certaines maladies psychiatriques, comme lautisme et la schizophrénie, particulièrement concernée par des altérations dans la balance entre les neurones inhibiteurs et excitateurs à des stades précoces du développement», conclut Alexandre Dayer.
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