image: Immuno-staining of mouse heart cells under anoxia. Healthy striated heart muscle (lower left) gradually shows more and more signs of deterioration due to oxygen deprivation leading to fully necrotic cells (upper right). view more
Credit: © UNIGE
Chaque année, les accidents cardiovasculaires tuent près de 10 millions de personnes dans le monde, et les attaques cérébrales pas moins de 6 millions. En cas dinfarctus, le sang arrête de circuler, bloqué par un caillot qui bouche lartère. Les tissus ne sont plus irrigués et ne reçoivent plus loxygène transporté par le sang. Sous ces conditions, les tissus se nécrosent très rapidement. Mais pourquoi? Des chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE), de lUniversité de Lyon et de lInstitut National de la Santé et de la Recherche Médicale (Inserm) ont découvert que la nécrose était provoquée par la synthèse dun lipide, la déoxydihydrocéramide, qui saccumule lorsque loxygène vient à manquer et bloque le bon fonctionnement cellulaire. En inhibant la synthèse de ce lipide chez un modèle murin faisant un arrêt cardiaque, les biologistes sont parvenus à réduire de 30% les dommages causés aux tissus. Ces résultats, à lire dans la revue Nature Metabolism, suggèrent un nouveau modèle de prise en charge des personnes victimes dun arrêt cardiaque ou dun AVC.
Les accidents cardiovasculaires et cérébraux sont la première cause de mortalité au monde. Lorsquun caillot se forme, il bouche lartère et empêche le sang de circuler correctement. Les tissus non irrigués ne reçoivent alors plus doxygène et se nécrosent très rapidement, sans retour en arrière possible. «Mais quest-ce qui induit la nécrose?», questionne Howard Riezman, professeur au Département de biochimie de la Faculté des sciences de lUNIGE et directeur du NCCR Chemical Biology. En effet, chez dautres espèces ce nest pas le cas: les vers peuvent survivre environ trois jours sans oxygène, les tortues plusieurs mois et certaines bactéries indéfiniment! «Cest pourquoi nous avons cherché à identifier le lien entre manque doxygène et nécrose des tissus chez le mammifère», poursuit le chercheur.
Un lipide qui bloque le bon fonctionnement cellulaire
En travaillant sur des vers, ils ont constaté quune espèce particulière de céramide, la déoxydihydrocéramide, saccumulait dangereusement en cas danoxie, cest-à-dire quand les tissus sont totalement privés doxygène. «Les céramides sont des lipides absolument indispensables pour le corps, précise Thomas Hannich, chercheur au Département de biochimie de la Faculté des sciences de lUNIGE. Sans elles, plusieurs fonctions seraient touchées, entre autre, notre peau se dessécherait totalement.»
Toutefois, en cas daccident vasculaire, la synthèse de déoxydihydrocéramide se fait en trop grande quantité, ce qui devient toxique pour la cellule. «A laide de la spectrométrie de masse, nous avons observé quelle bloque certains complexes de protéines et provoque des défauts dans le cytosquelette des cellules et dans le fonctionnement des mitochondries, induisant la nécrose des tissus», continue Howard Riezman.
Afin de vérifier que la déoxydihydrocéramide était bien la cause de la nécrose des tissus, les chercheurs de lUNIGE ont introduit dans les vers une mutation humaine responsable dune maladie rare, le HSAN type I, qui augmente la quantité de déoxydihydrocéramide. Ceux-ci sont devenus hypersensibles au manque doxygène, confirmant la découverte des biologistes.
Peut-on réduire limpact des infarctus sur les tissus ?
En se fondant sur les découvertes des biochimistes de lUNIGE, léquipe du professeur Michel Ovize de lUniversité de Lyon a injecté un inhibiteur de la synthèse des céramides à des souris juste avant de faire un infarctus. Il a ainsi constaté que les souris ayant reçu linjection voyaient les dommages causés par lanoxie réduits dun tiers par rapport aux souris de contrôle qui elles, nont pas reçu linhibiteur. «Cette diminution est très importante ! se réjouit Howard Riezman. Elle ouvre de nouvelles perspectives thérapeutiques dans la prise en charge de patients faisant des attaques vasculaires.»
Cette découverte permet un énorme bon en avant dans la mise au point de traitements des dommages causés par les accidents cardiovasculaires et cérébraux. Les résultats chez la souris sont en effet extrêmement encourageants et linhibiteur de synthèse des céramides est déjà un produit connu et testé dans des modèles animaux. «Toutefois, cet molécule inhibe la synthèse de tous les céramides», précise Thomas Hannich. Cest pourquoi les chercheurs sattellent à présent à découvrir un inhibiteur plus spécifique envers le déoxydihydrocéramide, afin de perturber le moins possible le bon fonctionnement du corps.
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Journal
Nature Metabolism