Touchant une personne sur 1000, la sclérose en plaques se manifeste par poussées en engendrant des troubles fonctionnels variables pouvant toucher la vision, la communication ainsi que les fonctions locomotrices. A ce jour, il nexiste toujours pas de remède contre la sclérose en plaques, les traitements actuels reposant principalement sur la prise en charge des symptômes, en favorisant notamment laccélération des phases de rétablissement après une rechute et en réduisant la quantité et la gravité des rechutes. Des chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE) et des Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) ont identifié un facteur de liaison à lADN nommé TOX, qui pourrait jouer un rôle dans le déclenchement de la sclérose en plaques. Ils ont observé que TOX annihile les défenses mises en place par le cerveau pour se protéger des réactions auto-immunes qui attaquent ses cellules, créant des dégâts irréversibles. Ces résultats, à lire dans la revue Immunity, ouvrent de nouvelles perspectives dans la compréhension et le traitement des maladies auto-immunes.
La sclérose en plaques conserve encore aujourdhui son mystère. On sait quelle est provoquée par des facteurs génétiques, mais aussi par des facteurs environnementaux comme les infections ou encore le tabac. Mais on ignore encore pourquoi elle se déclenche dans certains cas et pas dans dautres. «Nous avons alors décidé danalyser les facteurs infectieux en étudiant les réactions auto-immunes provoquées par différents pathogènes, afin de tenter didentifier un élément qui influerait sur le développement de la sclérose en plaques en cas dinfection», explique Doron Merkler, professeur au Département de pathologie et immunologie de la Faculté de médecine de lUNIGE et au Service de pathologie clinique aux HUG.
Pathogène viral vs pathogène bactérien
Les chercheurs de lUNIGE ont sélectionné deux pathogènes distincts provoquant une réponse du système immunitaire, lun viral, lautre bactérien, quils ont injecté à des souris saines.
«Nous avons observé une réaction immunitaire quantitativement identique des lymphocytes nommés T CD8+, constate Nicolas Page, chercheur au Département de pathologie et dimmunologie de la Faculté de médecine de lUNIGE. Pourtant, seule la souris infectée par le pathogène viral a développé la sclérose en plaques.»
A partir de ce résultat, ils ont analysé comment lexpression des gènes des cellules T CD8+ variait en fonction du pathogène utilisé pour les activer. Ceci leur a permis didentifier TOX, un facteur de liaison de lADN exprimé uniquement dans les cellules activées par le pathogène viral. «Nous avons ainsi constaté que lenvironnement inflammatoire influence la présence de TOX dans les lymphocytes T, et que celui-ci pourrait jouer un rôle dans le déclenchement de la maladie», ajoute Nicolas Page.
TOX ne recule devant aucune barrière
Les immunologistes ont ensuite validé le lien entre TOX et la sclérose en plaques en supprimant lexpression de ce facteur de liaison à lADN dans les lymphocytes T CD8+ de souris saines. «Et effectivement, bien que recevant le pathogène viral, les souris nont pas développé la maladie», senthousiasme Doron Merkler.
Quel est alors le rôle de TOX dans le déclenchement de la sclérose en plaques ? «Notre cerveau a une capacité de régénération limitée, explique Doron Merkler. Cest pourquoi il doit se protéger des réactions immunitaires du corps qui peuvent détruire ses cellules en voulant combattre le virus, créant des dégâts irréversibles. Le cerveau met alors en place des barrières qui bloquent le passage des lymphocytes T.» Or TOX, en modifiant lexpression de certains récepteurs de la surface des lymphocytes T CD8+ chargés de recevoir les signaux de blocage envoyés par le cerveau, permet justement à ces cellules de franchir les garde-fous et dattaquer les cellules cérébrales, provoquant le déclenchement de la maladie.
Un pas vers une meilleure compréhension de la maladie
Suite à ces analyses, les chercheurs de lUNIGE ont constaté que TOX était également exprimé dans les lymphocytes T présents dans les lésions de sclérose en plaques. «Cest un résultat encourageant pour la compréhension des causes de la maladie, mais il reste encore beaucoup de travail pour établir ce qui provoque véritablement la sclérose en plaques chez lhomme», confirme Nicolas Page. A présent, les chercheurs de lUNIGE vont cibler le fonctionnement de TOX et son implication dans dautres maladies auto-immunes ainsi que dans certains cancers.
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