Le cancer du poumon est le plus mortel au monde, et 80 % des décès qui lui sont imputables sont liés au tabagisme. En complément de la lutte antitabac, des stratégies efficaces de chimioprévention sont donc nécessaires. Une équipe de chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE) sest intéressée à une molécule naturelle bien connue, le resvératrol, notamment présente dans le raisin et que lon retrouve dans le vin rouge. Si ses propriétés chimiopréventives contre les cancers affectant le tube digestif ont été documentées dans des études précédentes, le resvératrol restait jusquici sans effet sur les cancers du poumon. Grâce à un nouveau mode dadministration par voie nasale, léquipe de lUNIGE a obtenu des résultats très prometteurs dans une étude menée chez la souris, décrite dans la revue Scientific Reports.
«Dans un modèle murin, nous avons cherché à prévenir le cancer du poumon induit par un carcinogène de fumée de cigarette en recourant à une molécule déjà très bien documentée, le resvératrol», explique Muriel Cuendet, professeure associée à la section des sciences pharmaceutiques de la Faculté des sciences de lUNIGE. Pour cette étude menée sur 26 semaines, quatre groupes de souris ont été constitués. Le premier, le groupe témoin, na reçu ni carcinogène, ni traitement à base de resvératrol. Le second a reçu uniquement le carcinogène, le troisième aussi bien le carcinogène que le traitement, et le quatrième a reçu uniquement le traitement. «Chez les souris traitées, nous avons observé une baisse de la charge tumorale de lordre de 45% par souris. Elles ont développé moins de tumeurs et de plus petite taille que les souris sans traitement», détaille Muriel Cuendet. Lorsque lon compare les deux groupes nayant pas été exposés au carcinogène, on constate que 63% des souris ayant reçu un traitement nont pas développé de cancer, contre seulement 12.5% des souris non traitées. «Le resvératrol jouerait donc un rôle préventif contre le cancer du poumon», poursuit la chercheuse.
Une formulation applicable chez lhomme
Le resvératrol est pourtant une molécule a priori peu adaptée à la prévention du cancer du poumon: lorsquelle est ingérée, elle est métabolisée et éliminée en quelques minutes, et na donc pas le temps datteindre les poumons. «Cest pourquoi notre défi a été de trouver une formulation permettant de solubiliser le resvératrol en grande quantité, alors que ce dernier nest que peu soluble dans leau, pour permettre une administration par voie nasale. Cette formulation, applicable chez lhomme, permet au composé de parvenir jusquaux poumons», explique Aymeric Monteillier, chercheur à la section des sciences pharmaceutiques de la Faculté des sciences de lUNIGE et premier auteur de létude. La concentration de resvératrol dans les poumons obtenue avec cette formulation administrée par voie nasale est en effet 22 fois supérieure à celle que permet une administration orale. Le mécanisme de chimioprévention à luvre est probablement lié à lapoptose, le processus par lequel les cellules programment leur propre destruction et auquel échappent les cellules cancéreuses. Léquipe de recherche de lUNIGE va maintenant sattacher à chercher un biomarqueur qui pourrait contribuer à la sélection des personnes éligibles à un traitement de prévention par le resvératrol.
Un possible traitement préventif
Le resvératrol est une molécule déjà très connue, que lon trouve jusque dans les compléments alimentaires utilisés chez lhomme, et aucune étude toxicologique complémentaire ne serait a priori nécessaire pour permettre sa mise sur le marché comme traitement préventif. «Sagissant dune molécule simple et non-brevetable, impliquée qui plus est dans la prévention du cancer qui suppose une étude de suivi sur de nombreuses années, cette découverte ne présente malheureusement quun intérêt économique faible pour des groupes pharmaceutiques», déplore Muriel Cuendet, sans exclure pour autant le développement dun traitement préventif chez lhomme.
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Scientific Reports