image: Le médulloblastome exprime des gènes normalement uniquement actifs dans la rétine, dont NRL et CRX, qui jouent un rôle dans la formation de la tumeur. view more
Credit: Morgane Morabito / UMR3347 CNRS-Institut Curie-INSERM-Université Paris-Sud
Des gènes, normalement exprimés uniquement dans lil, qui sactivent dans des tumeurs du cerveau ? Bien que surprenante, cest pourtant lobservation faite dans certains médulloblastomes, des tumeurs pédiatriques du cervelet. Des chercheurs du CNRS, de lInstitut Curie, de lInserm et de lUniversité Paris-Sud (1) en collaboration avec des chercheurs du St. Jude Children's Research Hospital (Memphis, États-Unis) ont identifié leur rôle dans le processus tumoral, offrant de nouvelles cibles thérapeutiques. Ces travaux sont publiés dans le journal Cancer Cell le 12 mars 2018.
Le médulloblastome se traite en associant chirurgie, radiothérapie et chimiothérapie, ce qui permet un taux de survie de 80 %, avec cependant des effets secondaires importants. Les médulloblastomes de groupe 3, pour lesquels les rechutes sont fréquentes et qui ont un taux de survie bien inférieur, se caractérisent par lexpression dun ensemble de gènes appelé « programme photorécepteur ». Ces gènes sont normalement exprimés uniquement dans la rétine où ils permettent de définir l'identité des photorécepteurs et assurent notamment la conversion du signal lumineux en influx nerveux.
L'activation de ces gènes dans le médulloblastome est donc très surprenante puisqu'ils ne sont pas exprimés au cours du développement normal du cervelet. Des programmes de différenciation aberrante sans rapport avec le tissu d'origine de la tumeur ont déjà été retrouvés dans dautres cancers mais sans que cela soit reconnu comme étant directement impliqué dans le processus tumoral.
Celio Pouponnot, chercheur du CNRS travaillant à lInstitut Curie, en collaboration avec Franck Bourdeaut, médecin-chercheur à lInstitut Curie, et avec Paul Northcott au St. Jude Children's Research Hospital (Memphis, États-Unis) se sont demandé quel rôle pouvait jouer ce « programme photorécepteur » dans le médulloblastome.
La présence au sein du « programme photorécepteur » dune protéine appelée NRL a dabord attiré leur attention, car léquipe de Celio Pouponnot étudie depuis de nombreuses années une famille de protéines ressemblant à NRL, et impliquées dans la formation de cancers. Les chercheurs ont également identifié la responsabilité dune autre protéine spécifique de la rétine : CRX. De manière frappante, cette étude montre que ces deux facteurs sont requis pour le développement du médulloblastome en actionnant des gènes clés : CCND2 qui favorise la prolifération cellulaire et BCL2L1 qui inhibe la mort cellulaire (apoptose).
Léquipe de chercheurs a ensuite utilisé des agents pharmacologiques ciblant ces protéines anti-apoptotiques dans des modèles précliniques (greffes de cellules de médulloblastome humain chez la souris). Ce traitement a permis de faire régresser la masse tumorale et daugmenter la survie des souris, prouvant lintérêt de cette cible thérapeutique. Ces résultats ne pourront néanmoins pas être directement transposés aux enfants, chez qui ces agents pharmacologiques peuvent être toxiques.
Plus généralement, cette étude montre l'intérêt d'étudier les marques de différenciation aberrantes dans les processus cancéreux, mettant ainsi en évidence un nouvel axe de recherche en cancérologie.
(1) Aux laboratoires Signalisation normale et pathologique : de l'embryon aux thérapies innovantes des cancers (CNRS/Institut Curie/Inserm/Université Paris-Sud), Génétique et biologie des cancers (Inserm/Université Paris Descartes) et Chimie, modélisation et imagerie pour la biologie (CNRS/Institut Curie/Inserm/Université Paris-Sud)
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Journal
Cancer Cell