Comment sommes-nous affectés par lopinion des autres ? Pour répondre à cette question, des scientifiques[1] du CNRS, de lInra et de lUniversité Toulouse 1 Capitole ont mené une étude en France et au Japon, quantifiant cet impact sur nos décisions. Ils ont ainsi identifié cinq comportements présents dans les deux pays : une majorité des sujets font un compromis entre leur opinion et celles des autres (59% des personnes en France), certains conservent leur opinion (29% en France), alors que les autres suivent fidèlement, amplifient, ou contredisent les informations reçues. Létude montre également comment un groupe peut accroître collectivement ses performances et la précision de ses estimations grâce à linformation sociale. Ces analyses ont permis délaborer un modèle reproduisant les résultats de létude et prédisant la performance dun groupe selon la quantité et la qualité de linformation échangée entre ses membres. Lobjectif serait in fine de développer des algorithmes daide à la décision. Les résultats de cette étude sont publiés le 6 novembre 2017 dans la revue PNAS.
Nous interagissons de plus en plus grâce au développement des technologies et contenus numériques. Ainsi, les réseaux sociaux sont dimportantes sources dinformations sociales dont nous décidons de tenir compte ou non. De plus, de nombreux sites de commerce en ligne utilisent très largement des systèmes de réputation et de notation qui permettent à leurs clients dexploiter les avis dautres utilisateurs pour réaliser leurs propres choix. La quantité d'information à laquelle chacun d'entre nous est soumis est cependant bien trop importante pour être toujours traitée correctement, sans compter les fausses informations qui sont parfois difficiles à déceler.
Ces constatations appellent au développement d'outils d'aide à l'intelligence collective, pouvant favoriser le traitement de l'information et la prise de décision dans un groupe par l'intermédiaire des interactions sociales. Le groupe de chercheurs sest donc intéressé à limpact de linformation sociale, cest-à-dire la manière dont nous sommes affectés par ce que font les autres. Dans quelles conditions cette information sociale peut-elle accroître lefficacité de nos prises de décisions collectives ?
Les expériences réalisées ont impliqué 186 personnes en France et 180 au Japon. Chaque participant devait estimer des valeurs, telles que l'âge de Gandhi lorsquil il est décédé ou le nombre d'étoiles dans notre galaxie, tout en précisant son degré de confiance dans sa réponse. Suite à cette étape, la moyenne des réponses de participants précédents linformation sociale lui était fournie, et le sujet devait répondre à nouveau pour donner son estimation finale. Lune des originalités de cette étude réside dans lintroduction dagents virtuels contrôlés par les chercheurs, à linsu des participants, et donnant systématiquement la bonne réponse. Ces agents, dont le nombre pouvait varier, influençaient donc favorablement linformation sociale transmise aux sujets.
Ces travaux montrent comment linformation sociale conduit le groupe à accroître collectivement ses performances et la précision de ses estimations. Ils permettent également de mesurer précisément la sensibilité des sujets à linformation sociale. Les chercheurs ont ainsi identifié cinq profils de sensibilité indépendants du biais culturel, car présents dans les deux pays. En France, lanalyse de près de 11000 réponses montre que 29% des personnes interrogées maintiennent leur opinion, 4% suivent strictement linformation qui leur est fournie et 59% font un compromis entre leur avis initial et linformation sociale. Par ailleurs, 6% des personnes amplifient linformation sociale reçue, pensant que le reste du groupe a, de la même manière queux, sous-estimé sa réponse initiale. Enfin, 2% finissent par contredire leur propre estimation et celle du groupe, le plus souvent sans pouvoir justifier leur décision. En outre, plus lestimation personnelle d'un participant est éloignée de l'information sociale reçue, plus ce sujet est sensible à cette information. Autre résultat plus surprenant, les scientifiques montrent que la performance d'un groupe peut être améliorée grâce à une quantité limitée d'information incorrecte, celle-ci compensant un biais cognitif humain consistant à sous-estimer des quantités.
Par ailleurs, un modèle mathématique basé sur ces expériences a été développé. Il reproduit fidèlement les mécanismes de sensibilité à linformation sociale observés expérimentalement et prédit l'impact de la quantité et de la qualité de l'information échangée entre les individus d'un groupe sur leur performance collective. La compréhension des processus gouvernant linfluence de linformation sociale sur les choix individuels et collectifs ouvre ainsi de nouvelles perspectives. Des algorithmes personnalisés pourraient être développés afin danticiper les différents types de réponses selon la forme des informations sociales reçues et ainsi contribuer à lamélioration de la coopération et de la collaboration à léchelle des groupes.
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Note:
Les laboratoires français impliqués sont : Le Centre de recherches sur la cognition animale (CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier) Le Laboratoire de physique théorique (CNRS/Université Toulouse III Paul Sabatier) TSE Recherche (CNRS/Université Toulouse 1 Capitole/INRA/EHESS) laboratoire de lécole déconomie de ToulouseJournal
Proceedings of the National Academy of Sciences