Dans certains matériaux magnétiques, il est possible de produire des nanostructures en forme de tourbillons quon appelle skyrmions. Des chercheurs du PSI viennent de réussir une première: générer des skyrmions antiferromagnétiques et démontrer leur existence. Leur particularité: certains composants décisifs quils recèlent sont orientés en sens inverse les uns par rapport aux autres. Les chercheurs ont réussi à démontrer lexistence de ces skyrmions grâce à la diffusion de neutrons. Leur découverte représente une étape importante vers des applications potentielles, par exemple des ordinateurs plus performants. Les chercheurs publient aujourdhui leurs résultats de recherche dans la revue spécialisée Nature.
Le fait quun matériau soit magnétique dépend de ce quon appelle les spins de ses atomes. Les spins sont comme de minuscules bâtonnets magnétiques. Dans un cristal où les atomes occupent une place fixe au sein dun réseau, suivant le matériau et létat, ces spins sont soit répartis de manière transversale, soit ordonnés de manière parallèle comme les lances dune légion romaine.
Dans certaines circonstances, il est possible de générer de minuscules tourbillons dans le rang des spins: ce quon appelle des skyrmions. Si les chercheurs sintéressent aux skyrmions, cest parce que ces derniers pourraient jouer un rôle dans les technologies du futur, par exemple des ordinateurs plus performants. Ils pourraient être utilisés comme bits de stockage: un skyrmion pourrait être le 1 numérique et son absence le 0. Comme les skyrmions sont nettement plus petits que les bits des supports de stockage actuels, les données pourrait être compactées de manière plus serrée quaujourdhui, et donc probablement être écrites et lues de manière plus rapide et plus efficace en termes énergétiques. Les skyrmions pourraient donc savérer utiles aussi bien pour le traitement classique des données que pour les ordinateurs quantiques.
En termes dapplication, un autre point est intéressant également: dans certains matériaux, il est possible de générer et de contrôler des skyrmions en appliquant du courant. «Mais les skyrmions obtenus jusquici restent difficiles à déplacer de manière ciblée de A à B, note Oksana Zaharko, responsable de groupe de recherche au PSI. Car leurs propriétés intrinsèques font quils sont déviés des trajectoires rectilignes.»
Avec des chercheurs dautres institutions, Oksana Zaharko et son équipe viennent de réussir à créer un nouveau type de skyrmions et à démontrer leur existence. Ces skyrmions ont une particularité: les spins décisifs quils recèlent sont orientés en sens inverse les uns par rapport aux autres. Cest pour cette raison que les chercheurs disent donc que leurs skyrmions sont antiferromagnétiques.
Ligne droite allant de A à B
«Un grand avantage des skyrmions antiferromagnétiques réside dans le fait quil est beaucoup plus simple de les contrôler: si lon applique un courant électrique, il se déplacent en ligne droite», souligne Oksana Zaharko. Il sagit en effet dun avantage important, car si les skyrmions devaient être utilisés, il serait important de pouvoir aussi les manipuler et les disposer de manière ciblée.
Les chercheurs ont réussi à produire le nouveaux skyrmions en fabriquant un cristal antiferromagnétique conçu sur mesure. «Le terme antiferromagnétique signifie que des spins voisins sont orientés dans des directions antiparallèles, explique Oksana Zaharko. Autrement dit, un spin pointe vers le haut et le suivant vers le bas. Nous avons donc aussi retrouvé par la suite dans les skyrmions individuels ce qui, au départ, était une propriété du matériau.»
Certaines étapes seront encore nécessaires jusquà ce que les skyrmions antiferromagnétiques soient mûrs pour une application technologique: les chercheurs du PSI ont dû refroidir leur cristal à -272ºC et lui appliquer un très puissant champ magnétique de 3 tesla, ce qui correspond à environ 100 000 fois le champ magnétique terrestre.
La neutronique permet de mettre les skyrmions en évidence
Par ailleurs, les chercheurs nont pas encore produit de skyrmions antiferromagnétiques individuels. Car pour prouver lexistence des minuscules tourbillons, les chercheurs ont utilisé la source de neutrons SINQ au PSI. «À cette installation, nous ne pouvons recourir à la diffusion de neutrons pour rendre les skyrmions visibles que si nous en avons un très grand nombre disposés de manière régulière dans un matériau», explique Oksana Zaharko.
Mais la chimiste est optimiste: «Daprès mon expérience, dès lors que nous avons réussi à produire des skyrmions ordonnés de manière régulière, quelquun réussira bientôt à faire de même avec des skyrmions individuels», assure-t-elle.
Dans la communauté scientifique, on part donc du principe que sil savère possible de produire des skyrmions antiferromagnétiques individuels à température ambiante, une application devrait être à portée de main.
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Texte: Institut Paul Scherrer/Laura Hennemann
A propos du PSI
Le PSI développe, construit et exploite des grandes installations de recherche complexes et les met à disposition de la communauté scientifique nationale et internationale. Les domaines de recherche de linstitut sont centrés sur la matière et les matériaux, lénergie et lenvironnement ainsi que la santé humaine. La formation des générations futures est un souci central du PSI. Pour cette raison, environ un quart de nos collaborateurs sont des postdocs, des doctorants ou des apprentis. Au total, le PSI emploie 2100 personnes, ce qui fait de lui le plus grand centre de recherche de Suisse. Son budget annuel est denviron 407 millions de francs. Le PSI fait partie du domaine des EPF, les autres membres étant lETH Zurich, lEPF Lausanne, lEawag (Institut de recherche sur leau), lEmpa (Laboratoire fédéral dessai des matériaux et de recherche) et le WSL (Institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage). 5232 Le magazine de lInstitut Paul Scherrer vous propose trois fois par année des dossiers thématiques pour découvrir les passionnants travaux de recherche menés au PSI.
Informations supplémentaires
Observer les électrons et allumer les bits. Texte du 15 février 2019: https://www.psi.ch/fr/media/actualites-recherche/observer-les-electrons-et-allumer-les-bits
Contact
Dr Oksana Zaharko
Responsable du groupe Structure des solides
Division Recherche avec neutrons et muons
Institut Paul Scherrer, Forschungsstrasse 111, 5232 Villigen PSI, Suisse
Téléphone: +41 56 310 46 33, e-mail: oksana.zaharko@psi.ch [allemand, anglais]
Publication originale
Fractional antiferromagnetic skyrmion lattice induced by anisotropic couplings
S. Gao, H.D. Rosales, F.A. Gómez Albarracín, V. Tsurkan, G. Kaur, T. Fennell, P. Steffens, M. Boehm, P. Čermák, A. Schneidewind, E. Ressouche, D.C. Cabra, C. Rüegg, O. Zaharko
Nature 23 septembre 2020 (en ligne)
DOI: 10.1038/s41586-020-2716-8
Journal
Nature