Une famille de gènes «architectes» nommés Hox coordonne la formation des organes et des membres au cours de la vie embryonnaire. Des généticiens de lUniversité de Genève (UNIGE) et de lEcole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) viennent de découvrir une fonction essentielle de lun de ces gènes, Hoxd3, dans le développement de lintestin des souriceaux nouveau-nés. Des mutations précises dans ce gène entraînent en effet une assimilation défectueuse du lait maternel et un retard de croissance important, souvent létal. Chez lhumain, ce défaut génétique contribue probablement à certaines formes dinsuffisance intestinale chez les prématurés, telles que lentérocolite nécrosante du nouveau-né. La détection dun gène Hoxd3 muté dans le cadre de cette affection permettrait den identifier une des causes, qui demeurent inconnues à ce jour. Ces travaux ont été publiés dans la revue PNAS.
Les gènes Hox, qui président au plan de construction des mammifères, sont impliqués dans lémergence du système digestif pendant le développement embryonnaire. Le groupe de Denis Duboule, généticien au Département de génétique et évolution de la Faculté des sciences de lUNIGE et à lEPFL, a dévoilé de nombreuses fonctions et modes daction de ces gènes architectes au cours des trente dernières années. «Nous avons observé des cas de croissance post-natale retardée chez des souriceaux porteurs de mutations dans le groupe de gènes HoxD, et avons voulu en déterminer les causes précises», note le chercheur.
Un retard de croissance dû à un seul gène
Son équipe a produit plusieurs lignées de souris arborant des mutations précises et ciblées dans le groupe de gènes HoxD. «Tous les souriceaux porteurs dun gène Hoxd3 codant pour une protéine dysfonctionnelle ont un développement anormal de lintestin grêle et des retards de croissance», explique Jozsef Zakany, chercheur au Département de génétique et évolution et premier auteur de létude. Ce gène possède donc un rôle crucial dans lintestin en développement des souriceaux allaités.
Contrairement aux adultes, les bébés mammifères «mangent» le lait, en lincorporant sous forme de gouttelettes non digérées. «Le gène Hoxd3 semble avoir une fonction dentretien des cellules intestinales chargées dabsorber ce nutriment, mais uniquement pendant lallaitement. Les animaux mutés ayant survécu retrouvent en effet une croissance normale, suite aux changements de la paroi intestinale induits par le sevrage», détaille Jozsef Zakany.
De la souris à lhumain
Les génomes humain et murin sont similaires, notamment dans les gènes du groupe HoxD. Il en va de même quant à leur physiologie de lallaitement. Daprès les chercheurs, la présence dun gène Hoxd3 arborant ce type de mutation contribue vraisemblablement à certaines formes dinsuffisance intestinale chez les bébés prématurés, telles que lentérocolite nécrosante du nouveau-né. Cette affection, dont le taux varie de 4 à 22 % chez les nouveau-nés de très faible poids à la naissance, nécessite un diagnostic rapide et une prise en charge médicale urgente. «Il est possible, en moins dune semaine, de tester lADN des nourrissons suspectés davoir une telle insuffisance intestinale, pour détecter une éventuelle mutation du gène Hoxd3. Il sagit dune voie à explorer au niveau clinique, car les causes en demeurent encore inconnues», conclut Denis Duboule.
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Journal
Proceedings of the National Academy of Sciences