La myopathie myotubulaire est une maladie génétique grave causant dès la naissance une paralysie des muscles, provoquant la mort avant lâge de deux ans. Aucun traitement nexiste à lheure actuelle, mais des chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE), en collaboration avec lUniversité de Strasbourg, ont identifié une molécule permettant non seulement de ralentir fortement lévolution de la maladie, mais également de multiplier par sept lespérance de vie dans le modèle animal. Cette molécule, nommée tamoxifène, étant déjà utilisée dans les traitements contre le cancer du sein, les chercheurs espèrent la mise en place dun essai clinique rapidement, permettant lutilisation de ce médicament par les patients. Des résultats à lire dans la revue Nature Communications.
La myopathie myotubulaire est une maladie génétique grave provoquant une paralysie de tous les muscles squelettiques dès la naissance. 90% des bébés atteints ne dépassent pas lâge de deux ans. «Cette maladie affecte le chromosome X et concerne un petit garçon sur 50000», précise Leonardo Scapozza, professeur ordinaire à la Section des sciences pharmaceutiques de la Faculté des sciences de lUNIGE. En effet, seuls les garçons sont concernés par la myopathie myotubulaire, le deuxième chromosome X des filles permettant en général de compenser léventuelle mutation du premier.
Aujourdhui, aucun traitement nexiste contre cette déficience génétique, mais des recherches intéressantes en thérapie génique sont en cours. «Il faudra toutefois des années avant de conclure sur lefficacité de ces essais cliniques, raison pour laquelle nous nous sommes tournés vers une molécule déjà autorisée pour dautres traitements chez lhomme, dans lespoir de trouver plus rapidement un moyen de contrer cette maladie qui engage le pronostic vital», explique Olivier Dorchies, chercheur à la Section des sciences pharmaceutiques de la Faculté des sciences de lUNIGE.
Le tamoxifène, une molécule multi-usage
Les chercheurs se sont penchés sur le tamoxifène, un médicament utilisée depuis longtemps contre le cancer du sein, car cette molécule présente plusieurs propriétés intéressantes pour la protection des fibres musculaires : il est antioxydant, anti-fibrotique et protège les mitochondries. «Dans une précédente étude, nous avons utilisé le tamoxifène pour lutter contre la myopathie de Duchenne, qui est également une maladie génétique musculaire touchant un garçon sur 3500 et dont lespérance de vie est de 30 ans, relève Elinam Gayi, doctorante à la Section des sciences pharmaceutiques de la Faculté des sciences de lUNIGE. Et les résultats ont été excellents, un essai clinique est dailleurs en cours.» Cest pourquoi les scientifiques se sont penchés sur cette même molécule pour contrer la myopathie myotubulaire qui, bien que provoquant également une paralysie musculaire, na pas pour autant les mêmes mécanismes daction que sa cousine Duchenne.
«La myopathie myotubulaire est provoquée par une absence de myotubularine, un enzyme qui transforme des messagers lipidiques. Sans elle, la protéine nommée dynamine 2 saccumule et provoque latrophie musculaire», expose la doctorante de lUNIGE. Pour soigner la maladie, une des pistes explorée par plusieurs groupes dont les collaborateurs de Strasbourg consiste à cibler la dynamine 2, qui est justement modulée par la molécule tamoxifène.
Un traitement par voie orale qui multiplie lespérance de vie par sept
Les scientifiques ont ainsi administré quotidiennement à des souris malades, présentant les mêmes symptômes quun bébé, du tamoxifène par voie orale en le mélangeant à la nourriture. Trois doses ont été testés : 0,03 milligramme par kilogramme, 0.3 milligramme par kilogramme et 3 milligrammes par kilogramme. En tenant compte des différences de métabolismes entre la souris et lhomme, la dose la plus élevée correspond à celle utilisée lors du traitement du cancer du sein chez la femme. Les résultats sont sans appel.
Une souris malade non traitée vit en moyenne 45 jours. Avec la dose la plus faible, lespérance de vie moyenne est de 80 jours, avec la dose intermédiaire, elle est de 120 jours. «Mais avec la dose la plus élevée, lespérance de vie passe à 290 jours en moyenne, soit sept fois plus quune souris non traitée, et certaines ont dépassé les 400 jours!», senthousiasme Leonardo Scapozza. De plus, la progression de la paralysie a été fortement ralentie, voire entièrement stoppée, la force musculaire a été triplée et 60% du déficit musculaire entre une souris saine et une souris malade a pu être récupéré.
Les scientifiques ont débuté le traitement lorsque les souris ont développé les premiers symptômes, soit une paralysie des pattes arrières, vers lâge de trois semaines. Mais il nest pas exclu quadministré plus tôt, le tamoxifène puisse avoir un effet préventif et contrer plus efficacement encore la faiblesse musculaire. «En parallèle de notre étude, une équipe de lHôpital des enfants de Toronto a testé le médicament sur des souris encore plus jeunes, et effectivement, la maladie ne sest pas développée, explique Olivier Dorchies. Le problème est que chez lhomme, la myopathie myotubulaire impacte déjà le ftus, il est donc difficile de savoir si une absence totale de paralysie pourrait être envisagée avec cette molécule si le traitement est mis en place après la naissance.»
Bientôt un essai clinique ?
«Le tamoxifène étant déjà autorisé pour une utilisation chez lhomme et un essai clinique le concernant étant en cours pour la myopathie de Duchenne, nous avons bon espoir quun essai clinique puisse voir le jour dici à deux ans», se réjouit Elinam Gayi. Cest à présent aux cliniciens de semparer de cette recherche et de la mettre en pratique.
Les chercheurs de lUNIGE vont poursuivre lexploration des multiples usages du tamoxifène contre les maladies musculaires génétiques, en tentant de le combiner avec dautres molécules autorisées ou en phase finale de développement clinique, lobjectif étant de trouver des traitements qui puissent être mis rapidement sur le marché.
###
Journal
Nature Communications