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Chauffer la matière quantique: un nouveau regard sur la topologie

Une équipe de physiciens propose la détection d’états exotiques de la matière en chauffant des systèmes quantiques

Peer-Reviewed Publication

Université libre de Bruxelles

Probing Topology by Shaking Ultracold Atoms in an Optical Lattice

image: Probing topology by shaking ultracold atoms in an optical lattice. view more 

Credit: Credit: IQOQI Innsbruck / Harald Ritsch

En sciences physiques, certaines quantités apparaissent sous la forme de multiples entiers d’éléments fondamentaux et indivisibles. Cette quantification, qui se trouve au cœur de notre description de la nature, est proposée depuis des siècles, comme en atteste la notion d’atome qui remonte à l’Antiquité. La découverte de nouvelles quantités physiques quantifiées a souvent été associée à une révolution conceptuelle de lois de la nature; l’exemple le plus frappant est la description contemporaine du monde microscopique - basée sur la mécanique quantique - qui a résulté de la quantification de la lumière en photons.

Dans un article à paraitre dans Science Advances, une équipe internationale dirigée par le professeur Nathan Goldman - Faculté des Sciences, Université Libre de Bruxelles - prédit une nouvelle forme de quantification, qui met en jeu un type distinct d’observable physique: le taux de réchauffement d’un système quantique sous l’effet d’une agitation externe. Pour mieux comprendre cette notion, envisageons une situation analogue simplifiée: lorsqu’un glaçon est placé dans un four à micro-ondes, ce dernier agite les molécules d’eau et fait ainsi progressivement fondre la glace; au cours de ce processus de réchauffement, le nombre de molécules qui composent le glaçon diminue au fil du temps, à une vitesse que l’on peut mesurer sous la forme d’un «taux de réchauffement». Dans le présent article, les auteurs démontrent comment de tels taux de réchauffement peuvent, dans des circonstances bien précises, répondre à une loi de quantification simple et élégante. Plus précisément, les auteurs expliquent que ce phénomène se manifeste lorsqu’un système physique, qui forme à l’origine un état exotique de la matière appelé phase topologique, est soumis à un réchauffement contrôlé; des particules sont alors éjectées de cette phase topologique (tout comme l’eau du glaçon fond dans notre exemple précédent), et les taux de réchauffement observés répondent à la loi de quantification évoquée plus haut.

Un aspect essentiel de cette nouvelle forme de quantification est qu’elle est déterminée par la nature topologique de l’état initial du système, en analogie directe avec la quantification de la conductance dans les solides. Pour comprendre cette analogie, il est utile de rappeler que la conductance, qui détermine l’efficacité avec laquelle un courant électrique peut traverser un matériau donné, peut être quantifiée sous forme de «quanta de conductance»; c’est la signature de l’effet Hall quantique, qui fut récompensé par deux prix Nobel, en 1985 et en 1998. De façon surprenante, cette quantification de la conductance s’avère liée à une notion fondamentale des mathématiques: la topologie. En bref, la topologie s’intéresse à la classification de formes géométriques suivant leurs caractéristiques les plus élémentaires, par exemple le nombre de «trous» ou de «noeuds» qu’elles présentent. Ce lien entre la quantification physique de la conductance et la notion abstraite de topologie a ouvert la voie à l’exploration de nouveaux états de la matière, des phases exotiques dites phases topologiques, dont la découverte a été récompensée par le prix Nobel de physique en 2016. La découverte de l’équipe internationale dirigée par le professeur Nathan Goldman offre ainsi une nouvelle perspective sur les liens entre quantification en physique et topologie.

Outre l’élégance de cette nouvelle loi de quantification associée aux taux de réchauffement, la découverte mène à un corollaire important: le réchauffement d’un système quantique peut être utilisé comme une méthode universelle pour la détection des états exotiques de la matière. Les auteurs proposent une plateforme physique particulièrement adaptée à sa réalisation expérimentale: un gaz ultra-froid, formé d’atomes gelés dans un réseau optique (une structure périodique créée par des interférences lumineuses). Ce type de structure constitue une boîte à outils idéale pour l’ingénierie de phases topologiques, mais également pour la mise en place de nouveaux types de mesure. En pratique, l’expérience proposée consisterait à préparer une phase topologique en insérant un gaz ultra-froid dans un réseau optique; ensuite, ce réseau serait soumis à une agitation circulaire, et les taux de réchauffement seraient alors extraits en mesurant le nombre d’atomes demeurant dans la phase topologique après un certain temps d’agitation.

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Ce travail est le fruit d’une étroite collaboration entre le groupe de Nathan Goldman et le professeur Peter Zoller - IQOQI et Université d’Innsbruck - qui a occupé la chaire internationale Jacques Solvay de physique en 2015. Créée en 2006, cette chaire internationale permet aux instituts Solvay d’inviter un éminent scientifique à Bruxelles pour une période d’un à deux mois; la liste des professeurs Solvay est disponible à l’adresse http://www.solvayinstitutes.be/html/chair.html. Cette collaboration fructueuse inclut également des chercheurs de l’ICFO (Barcelone), de l’Institut Néel (CNRS/Université Grenoble-Alpes/Grenoble INP), et de l’Université de Californie (Berkeley).


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