Lorsque le volcan Eyjafjallajökull en Islande est entré en éruption en avril 2010, le trafic aérien a été interrompu pendant six jours, puis perturbé jusquen mai. Jusque-là, les modèles des neuf Volcanic Ash Advisory Centres (VAAC) repartis dans le monde, qui visent à prédire quand le nuage de cendres interfère avec les routes aériennes, étaient basés sur le suivi des nuages dans latmosphère. À la suite de cette catastrophe économique pour les compagnies aériennes, des seuils de concentration de cendres ont été introduits en Europe et utilisés par lindustrie aérienne lors de la prise de décisions sur les restrictions de vol. Cependant, une équipe de chercheurs/euses, dirigée par lUniversité de Genève (UNIGE), a découvert que même les plus petites cendres volcaniques ne se comportaient pas comme prévu. Ses résultats, à lire dans la revue Nature Communications, permettront daffiner la représentation des cendres volcaniques dans les modèles de prévision utilisés par les VAAC, qui doivent réagir en temps réel pour fournir des conseils utiles lors dune éruption volcanique.
Léruption du volcan islandais Eyjafjallajökull en 2010 a non seulement perturbé le trafic aérien mondial, mais a également remis en question le fonctionnement des stratégies de prévision utilisées par les VAAC, basées uniquement sur le suivi spatial du nuage de cendres. Une réunion dexpert-es a affiné les stratégies en fonction des seuils de concentration de cendres et a permis aux vols de reprendre plus rapidement, tout en assurant la sécurité des passagers et du personnel de bord.
«Lors dune éruption explosive volcanique, des fragments allant de quelques microns à plus de 2 mètres sont éjectés du volcan», explique Eduardo Rossi, chercheur au Département des sciences de la Terre de la Faculté des sciences de lUNIGE et premier auteur de létude. Plus les particules sont grosses, plus elles tombent vite et près du volcan, ce qui réduit la concentration de cendres dans latmosphère.» Cest pourquoi les nouvelles stratégies ont intégré des seuils de concentration définissant mieux la dangerosité pour les moteurs davion. «A partir de 2 milligrammes par mètre cube, les compagnies aériennes doivent avoir un dossier de sécurité approuvé pour fonctionner», explique le chercheur genevois.
Des agrégats de particules qui faussent les modèles prévisionnels
Malgré les connaissances existantes sur les nuages de cendres, plusieurs questions sont restées sans réponse après léruption dEyjafjallajökull en 2010, y compris la découverte de particules beaucoup plus grandes que prévu au Royaume-Uni. «Nous voulions comprendre comment cela était possible en analysant avec précision les particules de cendres du volcan Sakurajima au Japon, qui a 2-3 éruptions par jour depuis plus de 50 ans», explique Costanza Bonadonna, professeure au Département de la Terre de lUNIGE.
En utilisant du papier adhésif pour collecter les cendres avant quelles ne touchent le sol, léquipe de scientifiques avait déjà observé, lors de léruption dEyjafjallajökull, comment les particules micrométriques se regroupaient en clusters qui, après limpact avec le sol, étaient détruits. « Cela joue un rôle important dans la vitesse de sédimentation, note Eduardo Rossi. Une fois assemblées en agrégats, ces particules micrométriques tombent beaucoup plus vite et plus près du volcan que les modèles ne le prédisent, car elles sont finalement plus lourdes que si elles tombaient individuellement. Cest ce quon appelle une sédimentation prématurée. »
Leffet rafting, déclaré impossible par la théorie
Au Japon, léquipe de lUNIGE a fait une nouvelle découverte importante: lobservation de leffet du rafting. À laide dune caméra à haute vitesse, les volcanologues ont observé la sédimentation des cendres en temps réel et ont découvert des agrégats auparavant invisibles, appelés cored clusters. «Ceux-ci sont formés par une grosse particule de 100 à 800 microns le noyau qui est recouverte par de nombreuses petites particules de moins de 60 microns, explique Costanza Bonadonna. Et cette couche externe de petites particules peut agir comme un parachute sur le noyau, retardant sa sédimentation. Cest leffet du rafting. »
Cet effet du rafting avait été théoriquement suggéré en 1993, mais finalement déclaré impossible. Aujourdhui, son existence est bel et bien prouvée par une observation directe et une analyse théorique précise, rendue possible par la caméra à haute vitesse. «En collaboration avec Frances Beckett du UK Met Office, nous avons réalisé plusieurs simulations qui nous ont permis de répondre aux questions soulevées par léruption dEyjafjallajökull et la découverte inexpliquée de ces particules de cendres surdimensionnées au Royaume-Uni. Cétait le résultat de cet effet du rafting, qui a retardé la chute de ces agrégats», senthousiasme Eduardo Rossi. Maintenant que les agrégats de cendres, les cored clusters et leffet du rafting ont été étudiés, il sagit de collecter des paramètres de particules physiques plus précis pour quun jour, ils puissent être intégrés dans les modèles opérationnels des VAAC, pour lesquels la taille et la densité jouent un rôle crucial dans le calcul de la concentration de cendres dans latmosphère.
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Journal
Nature Communications