Vecteurs majeurs dagents pathogènes, les tiques sont particulièrement bien connues pour leur rôle dans la propagation de maladies émergentes comme la maladie de Lyme. Contrairement aux moustiques, les tiques sont des hématophages strictes, cest-à-dire quelles se nourrissent exclusivement de sang à tous les stades de leur développement. Ce régime alimentaire ultra-spécialisé nest pas sans conséquence, car si le sang est riche en certains nutriments, il reste relativement pauvre en dautres comme les vitamines B. Une hypothèse est alors envisageable pour expliquer cette alimentation si particulière : si les tiques ne peuvent pas tirer ces vitamines de leur alimentation, alors des bactéries pourraient les synthétiser pour elles.
Des chercheurs du laboratoire Maladies infectieuses et vecteurs : écologie, génétique, évolution et contrôle (CNRS/IRD/Université de Montpellier) et du laboratoire Animal, santé, territoires, risques, écosystèmes (Cirad/Inra/Université de Montpellier) [1] ont donc examiné les communautés microbiennes présentes chez les tiques afin dexpliquer leur adaptation à une alimentation uniquement composée de sang. Une espèce modèle, la tique molle africaine Ornithodoros moubata, leur a permis de mettre en évidence quune bactérie symbiotique du genre Francisella est largement dominante parmi la communauté microbienne de cette tique. Le séquençage complet du génome de cette bactérie a confirmé quelle est capable de synthétiser différents types de vitamines B : de la biotine (vitamine B7), de la ribolflavine (B2) et de lacide folique (B9). De plus, les chercheurs ont montré que, privées de cette bactérie, les tiques stoppent leur développement mais quun complément en vitamines, mimant la présence de Francisella, permet de restaurer une croissance normale, démontrant ainsi le rôle de Francisella dans leur nutrition.
Des analyses complémentaires ont également permis de retracer lorigine évolutive de cette symbiose nutritionnelle. Les Francisella symbiotiques dérivent de bactéries pathogènes dont le génome sest très largement dégradé pour ne retenir quune partie de leurs fonctionnalités originelles comme la synthèse de ces trois types de vitamines B. Lapparition des tiques, puis leur diversification en plus de 900 espèces connues aujourdhui, ont ainsi été grandement conditionnées par cette symbiose. Ce processus souligne limportance des microorganismes dans la diversité écologique des animaux et lévolution de nouveaux régimes alimentaires.
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[1] Ces travaux impliquent également des chercheurs du Laboratoire de biométrie et biologie évolutive (CNRS/Université Claude Bernard Lyon 1/Vetosup Agro), de lInstitut des biomolécules Max Mousseron (CNRS/Université de Montpellier/ENSC Montpellier) et de la plateforme Get-PlaGe de lInra.
Journal
Current Biology