La méiose est un aspect essentiel de la reproduction sexuée. Il était admis depuis presque 15 ans que lacide rétinoïque, une molécule synthétisée à partir de la vitamine A, induisait lentrée en méiose des cellules germinales chez les mammifères. Dans deux articles conjoints publiés le 22 mai 2020 dans la revue Science Advances, des chercheurs de lInstitut de biologie Valrose (CNRS/Inserm/Université Côte dAzur) et de lIGBMC (CNRS/Inserm/Université de Strasbourg) ont démontré, chez la souris, que la méiose démarre et se déroule normalement en absence dacide rétinoïque, ouvrant ainsi de nouvelles perspectives de recherches en biologie de la reproduction.
La méiose est un processus essentiel qui permet le brassage des chromosomes et la transmission dune information génétique unique à la descendance. À partir d'une cellule germinale diploïde[1] (ovogonie chez la femelle, spermatogonie chez le mâle), la méiose produit des gamètes haploïdes[2] (ovocyte chez la femelle, spermatozoïde chez le mâle). La rencontre dun ovocyte et dun spermatozoïde unit deux génomes parentaux pour reformer une cellule diploïde, à lorigine du futur embryon, ce qui marque le commencement de la génération suivante.
Chez les mammifères, les cellules présentes dans les gonades en développement (ovaire chez la femelle, testicule chez le mâle) fournissent un soutien architectural, nourricier et protecteur aux cellules germinales. Elles émettent aussi des signaux moléculaires qui instruisent le destin des cellules germinales. Parmi ces signaux, on trouve lacide rétinoïque, qui permettrait de stimuler lentrée des cellules germinales en méiose. Une étude publiée en 2011 a cependant jeté le doute quant à ce rôle de lacide rétinoïque. Malgré cela, au fil du temps, lidée que lacide rétinoïque est la molécule qui instruit le déclenchement de la méiose a été érigée au rang de dogme.
Pour clarifier le rôle de lacide rétinoïque, des scientifiques niçois et strasbourgeois[3] ont utilisé deux approches complémentaires. Dans la première, ils ont empêché la fabrication dacide rétinoïque dans lovaire embryonnaire de souris. Dans la seconde, ils ont bloqué le message relayé par lacide rétinoïque en invalidant ses récepteurs. Dans les deux cas, les cellules germinales initient la méiose normalement. Mieux encore, les ovocytes dépourvus de récepteurs de lacide rétinoïque donnent naissance, après fécondation, à des souriceaux viables, preuve que leur fonctionnalité nest pas altérée.
Ces deux études réfutent donc lidée que lacide rétinoïque joue le rôle dinitiateur de lentrée en méiose des cellules germinales. Elles battent en brèche le dogme établi et résolvent un contentieux vieux de presque 15 ans. En levant un verrou conceptuel, la découverte de ces scientifiques conduira la communauté scientifique à reconsidérer ses hypothèses de travail. Elle suscitera de nouvelles pistes, à la recherche des véritables signaux qui contrôlent lentrée en méiose des cellules germinales.
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Notes
1. Une cellule diploïde comporte une paire de chromosomes homologues.
2. Une cellule haploïde comporte un seul exemple de chaque chromosome.
3. Ces travaux impliquent également des chercheurs et chercheuses du Service de biologie de la reproduction des Hôpitaux universitaires de Strasbourg, du laboratoire Biologie de la reproduction, environnement, épigénétique, et développement (Inrae/Université Paris Saclay/Enva) et des scientifiques de luniversité de Genève et du German Cancer Research Center
Journal
Science Advances