Dans les plaines très peuplées le long de lIndus et de ses affluents, les concentrations en arsenic relevées dans les eaux souterraines captées dépassent un peu partout le seuil de 10 µg/litre recommandé par lOrganisation Mondiale de la Santé pour leau potable. Au sud du pays surtout, ces concentrations sont très élevées et supérieures à 200 µg/l ; la plus élevée mesurée dans le cadre de cette étude était de 500 µg/l (Figure 1 et encadré).
Lirrigation pourrait aggraver la situation
Larsenic naturellement présent dans le sous-sol peut se dissoudre dans leau souterraine. LOMS présume quà léchelle mondiale, quelque 150 millions de personnes sont tributaires deaux souterraines qui contiennent trop darsenic. Les processus de dissolution dans les nappes phréatiques sont différents selon les conditions géologiques et hydrologiques. De fait, on sait quune quantité particulièrement importante darsenic se dissout dans les alluvions à forte teneur en matériaux organiques, par exemple dans les deltas du Gange (Bangladesh) ou du Fleuve Rouge (Vietnam). Il faut en chercher lexplication dans les milieux appauvris en oxygène favorisant la réduction des oxydes de fer avec lesquels larsenic sest combiné. Au Pakistan, il existe certes, le long de lIndus, des couches de sédiments très épaisses, mais de telles conditions de réduction ne sont généralement pas réunies. En revanche, cette nouvelle étude montre une grande convergence entre la charge en arsenic et le pH élevé des sols. Lorsque les eaux dirrigation sinfiltrent dans ces sols alcalins et les jeunes sédiments fluviaux, ce métalloïde toxique peut être libéré et enrichir en permanence la nappe phréatique. Joel Podgorski, chercheur de lEawag et auteur principal de létude, souligne quil ne sagit jusquici que dune hypothèse. Elle est étayée par une forte concordance entre les zones irriguées et les régions présentant des taux darsenic élevés dans les eaux souterraines, tels quils ont été mesurés par Ali Shah de lUniversité de Comsats (Islamabad).
Par lintermédiaire dun modèle informatique qui tient compte de données topographiques, géochimiques et hydrologiques, les chercheurs ont établi une carte (Figure 2) représentant pour la première fois la probabilité de trouver des concentrations en arsenic élevées à léchelle du Pakistan. Une grande partie de la population, surtout à lest de la province du Pendjab (y compris à Lahore) et tout autour de Hyderabad, est exposée à un risque darsenic élevé. En tout, 50 à 60 millions de personnes sont tributaires des eaux de captage qui contiennent très vraisemblablement plus de 50 µg darsenic par litre. « Cest un chiffre vraiment alarmant », commente le géophysicien Podgorski. Il montre lurgence danalyser chaque puits de pompage le long de lIndus. Dans le passé, les chercheurs se sont contentés pour leurs études de recueillir des échantillons dans quelques villages. On manquait de moyens jusquici pour réaliser des campagnes systématiques dans tout le pays.
Prendre des contre-mesures sans attendre
Maintenant que lon connaît létendue du risque, quelles vont être les prochaines mesures à prendre ? Selon le chercheur Pogorski, la première chose à faire serait de tester leau des puits dans les zones à risque. En effet, les concentrations effectives en arsenic varient souvent beaucoup à petite échelle, et les modèles ne permettent pas danalyser le sous-sol avec suffisamment de précision. En même temps, il serait bon détudier de plus près le rapport qui existe entre lirrigation intensive, les taux de pH élevés dans les sols et les concentrations accrues en arsenic dans les eaux souterraines. Si les présomptions dune corrélation directe se confirment, il faudra absolument revoir la technique dirrigation en procédant à des modifications censées empêcher aussi bien lévaporation que les infiltrations de leau dirrigation. Enfin, si les concentrations en arsenic savèrent trop élevées, on pourrait rechercher la présence dautres sources deau, par exemple dans des couches rocheuses plus profondes ou élaborer en dernier recours des procédures pour éliminer larsenic des eaux usées. Dans tous les cas, il serait urgent de sensibiliser lopinion publique au risque latent et à la nécessité de coordonner les mesures administratives, estime Pogorski pour conclure.
Box: Arsenic
À léchelle de la planète, larsenic est lun des principaux contaminants inorganiques de leau potable. Ce métalloïde est naturellement présent dans les sédiments du sous-sol et se dissout en faibles quantités dans leau souterraine sous leffet des intempéries. Les sels darsenic naffectent ni lodeur ni le goût de leau, mais sont extrêmement toxiques pour lhomme. Même à faibles doses, leur ingestion prolongée peut avoir de graves conséquences sur la santé, provoquant notamment des anomalies de pigmentation de la peau, des troubles hépatiques, rénaux et cardiovasculaires et différentes formes de cancer. Le problème provient dune part de la forte fluctuation géographique des teneurs en arsenic. Dautre part, les risques sont encore ignorés dans de très nombreuses régions où les puits et les eaux souterraines nont encore jamais été testés sur la présence darsenic. Une concentration en arsenic supérieure à 10 µg/L est considérée comme préoccupante. Cest la valeur limite qui a donc été retenue par lOrganisation Mondiale de la Santé pour leau potable. Le Pakistan applique un seuil de 50 µg/L.
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Journal
Science Advances