Depuis des siècles, les scientifiques savent que la lumière possède un comportement ondulatoire. Toutefois, le fait que la lumière peut également se comporter comme un liquide en créant des tourbillons et des ondulations lorsquelle rencontre un objet, telle leau sécoulant dans une rivière, est une découverte beaucoup plus récente qui fait toujours lobjet de recherches actives. Les propriétés « liquides » de la lumière se manifestent dans des conditions particulières, lorsque les photons qui composent londe lumineuse peuvent interagir entre eux.
Des chercheurs du CNR NANOTEC de Lecce en Italie, en collaboration avec Polytechnique Montréal au Canada, ont démontré que pour un écoulement de lumière « habillée » par des électrons, un effet encore plus dramatique se produit. La lumière devient superfluide, elle sécoule sans frottement à la rencontre dun objet et poursuit son parcours derrière celui-ci sans la moindre turbulence.
Daniele Sanvitto, qui dirige le groupe de recherche au CNR NANOTEC, déclare que « la superfluidité est un effet remarquable normalement observé uniquement à des températures tout près du zéro absolu (-273 degrés Celsius), comme dans lhélium liquide ou des gaz atomiques ultrafroids. Ce qui est extraordinaire dans nos travaux, cest que nous avons démontré que la superfluidité peut aussi se produire à température ambiante et dans des conditions ambiantes en utilisant des quasi-particules, formées grâce au couplage fort entre la lumière et la matière, nommées polaritons. »
M. Sanvitto ajoute que « la superfluidité, qui permet à un fluide en labsence de viscosité de monter le long des parois dun contenant et de sen écouler, est associée à la capacité que possèdent certaines particules de se condenser dans un état quantique appelé condensat de Bose-Einstein. Dans cet état, les particules se comportent comme une seule onde macroscopique, oscillant toutes à la même fréquence. Un phénomène semblable se produit, par exemple, dans les supraconducteurs : les électrons, en paires, se condensent et créent des superfluides ou supercourants capables de conduire lélectricité sans pertes ».
Ces expériences ont démontré quil est possible dobtenir de la superfluidité à température ambiante, alors que jusquà présent cette propriété nétait atteignable quà des températures près du zéro absolu. Ceci pourrait mener à son utilisation dans de futurs dispositifs photoniques.
Stéphane Kéna-Cohen, le coordonnateur de léquipe montréalaise, ajoute : « Pour cette démonstration, nous avons fabriqué un film extrêmement mince de molécules organiques entre deux miroirs hautement réfléchissants. Dans une telle structure, la lumière interagit si fortement avec les molécules lorsquelle rebondit entre les miroirs que cela mène à la création de quasi-particules lumière-matière, les polaritons. Ces quasi-particules ont plusieurs propriétés semblables aux photons, comme une faible masse effective et une vitesse proche de celle de la lumière, mais peuvent également interagir entre elles grâce aux électrons à lintérieur des molécules. Dans des conditions normales, la lumière devrait réfléchir et se diffuser en rencontrant un obstacle. Pour un superfluide, toute diffusion ou turbulence est supprimée et la lumière se propage sans être perturbée. »
Léquipe de recherche indique que « le fait quil est possible dobserver un tel effet dans des conditions ambiantes va engendrer de nombreux travaux futurs, non seulement dans le but détudier la physique des condensats de Bose-Einstein dans des conditions beaucoup plus accessibles, mais également pour concevoir de futurs dispositifs photoniques utilisant les superfluides dans lesquels les pertes par diffusion seraient complètement éliminées et de nouveaux phénomènes inattendus pourraient être exploités ».
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Ces expériences seront publiées aujourdhui dans le numéro de Nature Physics du 5 juin 2017 et sont laboutissement de travaux effectués aux Advanced Photonics Laboratories de lInstitut de nanotechnologie du Conseil national de recherche italien à Lecce, en collaboration avec Polytechnique Montréal au Canada, le Centre dexcellence de lUniversité Aalto en Finlande et lImperial College de Londres.
Référence:
G. Lerario, A. Fieramosca, F. Barachati, D. Ballarini, K. S. Daskalakis, L. Dominici, M. De Giorgi, S. A. Maier, G. Gigli, S. Kéna-Cohen, D. Sanvitto. « Room-temperature superfluidity in a polariton condensate », Nature Physics, 2017, sous presse.
Journal
Nature Physics