Le statut social est lun des facteurs les plus importants pour prédire le risque de maladie et de mortalité chez lhumain et les autres mammifères sociaux. Une nouvelle étude de lUniversité de Montréal, de lUniversité Duke (É.-U.) et de lUniversité Emory (É.-U.) publiée dans Science révèle quun statut social précaire peut à lui seul altérer le fonctionnement du système immunitaire, même en l'absence de variation dans l'accès aux ressources ou aux soins de santé ou de comportements à risque pour la santé.
«Bref, deux individus ayant accès aux mêmes ressources alimentaires, aux mêmes soins de santé et affichant les mêmes comportements ont des réponses immunitaires différentes aux infections selon quils ont un statut social élevé ou précaire», résume Luis Barreiro, professeur au Département de pédiatrie de lUniversité de Montréal et chercheur au Centre de recherche du CHU Sainte-Justine.
Les macaques, proches cousins de lhumain
Pour démontrer la base biologique de linfluence du statut social sur le système immunitaire, les chercheurs ont combiné la génomique avec la manipulation du statut social chez 45 femelles macaques, une espèce proche des humains qui ont une hiérarchie sociale linéaire et stable.
«Nous avons utilisé les macaques, car il est impossible de mener cette expérimentation sur des humains pour des raisons éthiques évidentes, explique le professeur Barreiro, qui a codirigé létude avec la professeure Jenny Tung. Jusquà présent, nous avons étudié seulement des femelles, mais nous espérons pouvoir reproduire ces travaux avec des mâles dans un avenir proche.»
Les chercheurs ont donc constitué neuf groupes de cinq femelles qui ont vécu ensemble pendant un an. Après quoi, ils ont reformé de nouveaux groupes afin de bouleverser les rangs de dominance entre les femelles et détudier leffet de ce changement sur leur système immunitaire. Les chercheurs se sont assurés que tous les animaux avaient accès à autant de nourriture que nécessaire et les vétérinaires vérifiaient régulièrement quils nétaient pas malades ou blessés dans le but de limiter lincidence de ces variables.
Des réponses immunitaires différentes: inflammatoires versus antivirales
En analysant les résultats, les chercheurs ont découvert que les cellules des macaques ayant un faible statut social réagissaient aux infections avec une réponse pro-inflammatoire plus forte que celle des individus de haut statut social. Une réponse pro-inflammatoire se produit lorsque le système immunitaire provoque de linflammation (rougeur, chaleur, gonflement, etc.) afin de neutraliser et déliminer les infections dorigine bactérienne ou virale. Une forte inflammation des tissus ou organes infectés peut sauver la vie de lindividu malade, mais une inflammation disproportionnée peut endommager les organes et laisser des séquelles. Cela pourrait expliquer en partie pourquoi les gens ayant un statut social précaire ont un plus grand risque de souffrir de problèmes cardiovasculaires et de maladies inflammatoires. Pour leur part, les macaques jouissant dun haut statut social ont manifesté une réponse immunitaire antivirale plus forte que ceux ayant un faible statut social.
Des différences immunitaires réversibles
De plus, les chercheurs ont observé que ces différences de réponses immunitaires étaient réversibles. En effet, quand un macaque au faible statut social accède à un haut statut social, son système immunitaire adopte alors la réponse immunitaire associée à de hauts statuts sociaux.
Que fait-on de ces résultats?
Cette découverte devrait-elle amener nos sociétés à tenter daplanir le plus possible les différences de statut social? Le professeur Barreiro ny croit pas: «Lhistoire de lhumanité nous a montré quil y aura toujours des inégalités dans les sociétés humaines. À mon avis, la chose à faire est de comprendre le mieux possible comment fonctionne notre système immunitaire, quelles franges de la population sont plus à risque de souffrir dun type de maladies et de trouver des solutions à cet échelon», conclut-il.
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À propos de létude
N. Snyder-Mackler, J. Sanz, J. N. Kohn, J. F. Brinkworth, S. Morrow, A. O. Shaver, J.-C. Grenier, R. Pique-Regi, Z. P. Johnson, M. E. Wilson, L. B. Barreiro et J. Tung, Social status alters immune regulation and response to infection in macaques, Science, 25 novembre 2016.
Financement de létude
Cette étude a bénéficié dune subvention des National Institutes of Health (États-Unis), de la National Science Foundation (États-Unis), du Programme des chaires de recherche du Canada, du Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada et du Fonds de recherche du Québec -Santé.
Journal
Science