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Des mathématiques pour mieux soigner le cancer ?

En faisant appel à la théorie mathématique de l’information, des chercheurs de l’UNIGE analysent le développement cancéreux des cellules pour proposer des stratégies thérapeutiques innovantes

Peer-Reviewed Publication

Université de Genève

Le développement et la survie des êtres vivants sont liés à la capacité de leurs cellules à percevoir leur environnement et à y répondre correctement. Pour ce faire, elles communiquent au travers de systèmes de signaux chimiques, les voies de signalisation, qui régissent et coordonnent l’activité cellulaire. Cependant, des déficiences dans le traitement de l’information peuvent empêcher les cellules de percevoir leur environnement correctement ; elles se mettent alors à agir de manière anarchique, ce qui peut mener à l’apparition du cancer. Pour mieux comprendre comment une information tronquée influence l’activité des cellules malades, des chercheurs de l’Université de Genève (UNIGE) sortent du champ strict de la biologie et proposent d’examiner la communication cellulaire à l’aune de la théorie de l’information, une théorie mathématique plus habituellement utilisée en informatique. Ces travaux, à découvrir dans la revue Trends in Cell Biology, offrent une approche radicalement nouvelle en oncologie.

«D’une certaine manière, le cancer est une maladie de l’information, indique Karolina Zielińska, chercheuse au Centre de recherche translationnelle en onco-hématologie (CRTOH) de la Faculté de médecine de l’UNIGE et première auteure de ces travaux. Mais si le pouvoir oncogénique des voies de signalisation cellulaires sur- ou sous-activées commence à être bien connu, les mécanismes exacts restent assez mystérieux.» Comment, en effet, les cellules prennent-elles leurs décisions en fonction des informations qu’elles perçoivent – ou qu’elles ne perçoivent plus? «Parfois, la biologie ne suffit pas pour tout décrypter», explique Vladimir Katanaev, professeur au CRTOH de la Faculté de médecine de l’UNIGE, qui a dirigé ces travaux.

Mesurer l’incertitude

Dès la fin des années 1940, le mathématicien américain Claude Shannon développe une théorie probabiliste visant à quantifier l’information transmise dans un ensemble de messages utilisant un canal de communication «bruyant». Cette théorie, qui a permis l’essor des systèmes de communication modernes et de l’informatique, est à la base d’une multitude d’applications telles que la compression et la transmission de données, la cryptographie ou encore l’intelligence artificielle. «Mais curieusement, la théorie de Shannon n’a que peu été appliquée dans le domaine de la biologie, notamment dans la communication des cellules, souligne Karolina Zielińska, qui est à la fois mathématicienne et biologiste. Notre idée consiste donc à utiliser cet outil puissant pour examiner les décisions des cellules malades pour les comparer à celles des cellules saines.»

La théorie de l’information se fonde essentiellement sur la théorie des probabilités. Son concept principal, appelé entropie, vise à mesurer l’incertitude née de variables aléatoires. «Si, par exemple, nous jouons à pile ou face, la pièce peut tomber sur l’un ou l’autre côté de manière aléatoire: le résultat est donc incertain. Imaginons maintenant une pièce aux faces identiques: le résultat est certain et l’entropie nulle. L’entropie évalue ainsi le degré d’incertitude d’une variable aléatoire. Appliquée à la communication, l’entropie indique la quantité d’information nécessaire pour que le récepteur puisse déterminer sans ambiguïté ce que la source a transmis.»

Des mathématiques à la biologie

Appliquée à la signalisation cellulaire, ce concept permet d’étudier comment les cellules traitent l’information qu’elles reçoivent de leur environnement: quand une cellule reçoit un stimulus – une information – de son environnement, quelles concentrations d’informations la cellule peut-elle traiter sans erreur? En connaissant une «décision» prise par la cellule, peut-on faire la distinction entre différents stimuli pour identifier celui qui a engendré cette réaction? Ces questions sont essentielles dans le domaine du cancer : les cellules cancéreuses, incapables de traiter l’information provenant de l’environnement aussi bien que les cellules saines, se mettraient alors à proliférer et à se diviser lorsqu’il n’y a pas lieu de le faire.

Les chercheurs vont maintenant vérifier la validité de leur approche en étudiant comment des cellules cancéreuses du sein et du poumon traitent les informations provenant de leur environnement. En effet, les traitements actuels visent en général à supprimer ou à éteindre complètement certaines voies de signalisation, en dépit d’effets secondaires parfois importants. «La nouvelle approche que nous proposons vise non pas à éteindre les voies de signalisation, mais au contraire à rétablir une activité correcte, indique Vladimir Katanaev. En appliquant des concepts mathématiques purs à la biologie, nous espérons identifier les défauts de transmissions de l’information qu’il faut corriger pour y remédier.»

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Le CRTOH fait partie du Swiss Cancer Center Léman (SCCL), une alliance pluridisciplinaire réunissant l’UNIGE, les HUG, l’EPFL, le CHUV, l’UNIL et la Fondation ISREC visant à mener des recherches fondamentales, translationnelles et cliniques dans le domaine du cancer.


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