Terminée en septembre 2016, la mission Rosetta de lESA a révélé que la matière organique représente près de 40% de la masse du noyau de la comète « Tchouri » (67P Churyumov-Gerasimenko). Composée de molécules à base de carbone, dhydrogène, dazote et doxygène, elle constitue lune des briques de base de la vie telle que nous la connaissons sur Terre. Or cette matière organique trouvée en masse naurait pas été fabriquée au moment de la formation du système solaire, mais bien avant, dans le milieu interstellaire. Cest ce quavancent aujourdhui Jean-Loup Bertaux, du Laboratoire atmosphères, milieux, observations spatiales (CNRS/UPMC/Univ. VersaillesSaint-Quentin-en-Yvelines), et Rosine Lallement, du laboratoire Galaxies, étoiles, physique et instrumentation (Observatoire de Paris/CNRS/Université Paris Diderot). Et selon ces deux chercheurs français, une bonne partie de cette matière organique cométaire serait même déjà bien connue des astronomes.
Voilà 70 ans que lanalyse du spectre de la lumière des étoiles montre partout dans le milieu interstellaire des absorptions inconnues, à des longueurs dondes bien précises : les « Diffuse interstellar bands » (DIB), attribuées à des molécules organiques complexes, qui constitueraient « le plus grand réservoir connu de matière organique dans lunivers » selon lastrophysicien américain Theodore Snow. Cette matière organique interstellaire est généralement proportionnelle à la matière interstellaire dans son ensemble, sauf dans le cas dun nuage très dense, comme une nébuleuse proto-solaire : au cur de la nébuleuse, où la matière est encore plus dense, les DIB plafonnent, voire diminuent. Cest le signe que les molécules organiques qui provoquent les DIB disparaissent, par agglutination les unes aux autres. Une fois collées ensembles, elles ne peuvent plus absorber autant que lorsquelles flottent librement dans lespace.
Ce type de nébuleuse primitive finit par former, par contraction, un système solaire comme le nôtre, composé de planètes et de comètes. Or, on sait depuis la mission Rosetta que les noyaux de comètes se sont formés par accrétion hiérarchique dans la nébuleuse : les petits grains se sont collés les uns aux autres pour former des grains plus gros, lesquels se sont agglomérés à leur tour jusquà atteindre la taille dun noyau de comète, de quelques kilomètres. Un processus non violent.
Les molécules organiques provoquant les DIBs et préexistantes dans les nébuleuses primitives nont donc probablement pas été détruites mais ont pu faire partie des grains constituant les noyaux cométaires, où elles sont toujours 4,6 milliards dannées plus tard. Une mission spatiale de retour déchantillon, qui permettrait danalyser en laboratoire la matière organique dune comète, révèlerait enfin la nature exacte de cette mystérieuse matière interstellaire responsable des absorptions relevées vers les étoiles.
Si la matière organique des comètes a bel et bien été fabriquée dans le milieu interstellaire, et si elle a pu jouer un rôle dans lémergence de la vie sur la Terre comme les scientifiques limaginent aujourdhui, alors elle a pu également atteindre un grand nombre dautres planètes de notre galaxie et y engendrer également la vie ?
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Journal
Monthly Notices of the Royal Astronomical Society