Les avocats qui représentent chacune des parties dans les poursuites contre des ligues sportives pourraient disposer dun nouvel outil pour étoffer leur plaidoirie : une signature diagnostique qui, au moyen de lintelligence artificielle, permet de déceler les traumatismes crâniens plusieurs années après leur survenue.
Les effets à long terme dun traumatisme crânien peuvent se révéler aussi dévastateurs que ses effets immédiats. Les symptômes peuvent persister pendant des années. Toutefois, il est souvent difficile de savoir si ces derniers sont attribuables à la commotion cérébrale ou à dautres facteurs, comme un trouble neurologique dune autre nature ou le simple vieillissement.
Auparavant, la seule façon dobjectiver la présence de lésions cérébrales causées par une commotion plusieurs années après que celle-ci se soit produite consistait à réaliser une autopsie. Il nexistait donc aucun moyen de diagnostiquer une commotion cérébrale du vivant de la victime.
Une équipe de chercheurs de lUniversité de Montréal, de lInstitut et hôpital neurologiques de Montréal (le Neuro) et du Centre Ludmer en neuroinformatique et santé mentale ont recruté danciens athlètes universitaires âgés de 51 à 75 ans qui avaient pratiqué des sports de contact, comme le hockey sur glace et le football américain. À partir de ce groupe, les chercheurs ont formé une cohorte de 15 sujets ayant affirmé avoir été victimes dune commotion cérébrale au cours de leur carrière dathlète, et un groupe témoin de 15 athlètes nayant jamais subi ce type de blessure.
Les chercheurs ont fait subir une batterie de tests aux sujets des deux groupes, dont des tests neuropsychologiques, des tests de génotypage et de neuroimagerie structurelle, des tests dimagerie par spectroscopie de résonance magnétique ainsi que des tests dimagerie de diffusion. Les données groupées ont été saisies dans un ordinateur équipé dun logiciel dintelligence artificielle capable d« apprendre à déceler » les différences entre le cerveau dun athlète sain et celui dun athlète ayant déjà subi une commotion cérébrale. Ils ont découvert des connexions anormales entre plusieurs régions du cerveau au sein de la substance blanche chez les athlètes commotionnés, ce qui pourrait témoigner à la fois dune dégénérescence et dun mécanisme compensateur du cerveau. À laide de ces données, les ordinateurs ont été en mesure de déceler les commotions cérébrales avec une exactitude pouvant aller jusquà 90 pour cent.
Les résultats de cette étude ont fait lobjet dun article publié dans le European Journal of Neuroscience le 16 mai 2017. Une fois soumise à des analyses plus poussées, cette façon de faire pourrait être utilisée dans le cadre de poursuites judiciaires, actuelles ou futures, en matière de commotions cérébrales. Ainsi, danciens joueurs ont intenté une poursuite contre la Ligue nationale de football, à qui ils reprochaient de ne pas avoir adopté des mesures suffisantes pour les protéger contre les commotions cérébrales. Il a fallu dix ans pour régler ce litige. Cette poursuite était dautant plus complexe quil nexistait aucune façon de déterminer de façon objective si les symptômes neurologiques éprouvés par les joueurs étaient bel et bien causés par les commotions cérébrales subies alors quils jouaient au sein de la Ligue. La Ligue nationale de hockey fait actuellement lobjet dune poursuite semblable.
Selon Sébastien Tremblay, Ph. D., auteur principal de larticle, il faudra valider cette signature auprès dun échantillon constitué dun plus grand nombre de sujets en recourant à divers appareils dimagerie par résonance magnétique avant quelle ne devienne un outil diagnostique fiable pour les commotions cérébrales. Elle pourrait alors contribuer également à orienter le traitement des commotions cérébrales en permettant aux médecins de connaître la cause exacte des symptômes ressentis par leurs patients.
De tels outils sont plus essentiels que jamais. Selon le gouvernement fédéral, le nombre de commotions cérébrales signalées a augmenté de 40 pour cent entre 2004 et 2014 chez les jeunes joueurs de football, de soccer et de hockey.
« La prévalence des commotions cérébrales est alarmante, puisquon en compte de 1,6 à 3,8 millions par année aux États-Unis seulement », affirme Sébastien Tremblay, chercheur postdoctoral au Neuro. « Le fait quil nexiste encore aucune méthode ni aucun outil permettant de les diagnostiquer de façon objective est inacceptable, sans compter labsence de traitements dont lefficacité a été démontrée scientifiquement. Grâce à nos travaux, nous espérons aider les nombreux athlètes qui éprouvent des problèmes neurologiques après avoir cessé de pratiquer un sport de contact. »
« Des études plus poussées, y compris des comparaisons rigoureuses avec des groupes constitués de patients présentant des troubles neurologiques liés à lâge, et la découverte de biomarqueurs des commotions cérébrales, nous permettraient de perfectionner notre modèle assisté par ordinateur des effets à long terme des commotions cérébrales sur le cerveau vieillissant », affirme Louis de Beaumont, Ph. D., chercheur à lUniversité de Montréal et auteur en chef de larticle.
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Cette étude a été financée par les Instituts de recherche en santé du Canada.
LInstitut et hôpital neurologiques de Montréal (le Neuro)
LInstitut et hôpital neurologiques de Montréal, le Neuro, est un chef de file mondial dans le domaine de la recherche sur le cerveau et des soins de pointe. Depuis sa création en 1934 par le célèbre neurochirurgien Dr Wilder Penfield, le Neuro connaît une croissance inégalée qui en fait le plus grand établissement de recherche et de soins cliniques spécialisé en neurosciences au Canada, et lun des plus importants sur la scène internationale. Lintégration féconde de la recherche, des soins aux patients et de la formation par les plus éminents spécialistes à léchelle mondiale placent le Neuro dans une position unique en matière de connaissance et de traitement des affections du système nerveux. En 2016, le Neuro est devenu le premier institut au monde à adhérer complètement à la philosophie de la science ouverte, ce qui a donné naissance à lInstitut de science ouverte Tanenbaum. LInstitut neurologique de Montréal est un institut de recherche et denseignement de lUniversité McGill. LHôpital neurologique de Montréal fait partie de la mission en neurosciences du Centre universitaire de santé McGill. Pour de plus amples renseignements, veuillez consulter le site Web http://www.theneuro.ca.
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Journal
European Journal of Neuroscience