image: Éléphants captifs travaillant dans le débardage du bois au Laos. view more
Credit: Gilles Maurer
Au Laos, les éléphants dAsie ont diminué de moitié au cours des 30 dernières années, menacés notamment par leur marchandisation. Selon des chercheurs[1] du CNRS et de Beauval Nature, la dynamique de leurs populations dépend fortement des pratiques socio-économiques du pays et des propriétaires. Ainsi, la mise en place de « congés maternité » compensant la perte financière des éleveurs pendant la période de gestation de leurs animaux permettrait à lespèce de perdurer. Leurs résultats sont publiés dans la revue Scientific Reports le 1er novembre 2017.
Depuis 20 ans, louverture du pays à léconomie de marché a favorisé lintensification du travail des éléphants au détriment de leur reproduction. La période de gestation de lanimal (22 mois) suivie par la période dallaitement, rendent la reproduction incompatible avec le travail, dans le débardage du bois notamment. Ces pratiques sajoutent à lexportation importante des éléphants du Laos pour le tourisme.
Des chercheurs ont construit un modèle bio-économique afin dévaluer limpact sur le long terme des stratégies socio-économiques sur la viabilité de lespèce. Ce modèle prend en compte une estimation dune année sur lautre des effectifs de la population déléphants, à partir dinformations démographiques (âge, sexe, localisation) recueillies régulièrement par le ministère de lélevage du Laos, et une cinquantaine dentretiens réalisés auprès des éleveurs sur leurs pratiques de reproduction. Ce modèle de microéconomie (à léchelle de lindividu) projeté sur 100 ans, modélise la prise de décision des propriétaires déléphants et pose une question majeure : le prix de la reproduction, donc de la naissance dun éléphanteau, est-il supérieur à celui du manque à gagner dans le tourisme ou dans le débardage du bois? A partir de plusieurs scénarios, les chercheurs ont ainsi démontré que si lexportation actuelle des éléphants ne change pas, celle-ci mènera irrémédiablement à lextinction de lespèce au Laos. Ils estiment par ailleurs que lélaboration dun congé maternité compensant le manque à gagner auprès des éleveurs permettrait au nombre déléphants de dépendre uniquement de lévolution de la population sauvage et neutraliserait ainsi les dynamiques économiques.
Cette étude démontre donc linfluence sur la démographie de la mise dun prix sur une ressource naturelle comme léléphant. En effet, depuis deux décennies les intérêts des propriétaires sont avant tout financiers et dépendent directement de la valeur monétaire des animaux. Cette recherche permet également de traiter conjointement les populations déléphants sauvages et captifs, souvent distinguées les unes des autres alors que celles-ci nourrissent des interactions fortes notamment à travers la reproduction. Ainsi, la survie des éléphants du Laos dépend à la fois des interactions entre les animaux captifs et sauvages, mais aussi des intérêts financiers des éleveurs de pachydermes.
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Note:
[1] Centre décologie fonctionnelle et évolutive (CNRS/Université de Montpellier/Université Paul Valery/EPHE/IRD)
Journal
Scientific Reports