Le trouble du déficit de lattention avec ou sans hyperactivité (TDA-H) touche environ 7% des enfants et persistera à lâge adulte pour les deux tiers dentre eux. Ce trouble neuro-développemental se caractérise par des difficultés à se concentrer, une distraction accrue et une certaine impulsivité et hyperactivité. Aujourdhui, le TDA-H est traité grâce à des traitements médicamenteux aux effets secondaires parfois indésirables. Cest pourquoi des scientifiques de lUniversité de Genève (UNIGE) et des Hôpitaux universitaires de Genève (HUG) se sont intéressé-es à une nouvelle technique, le neurofeedback, qui consiste à entrainer le cerveau à se concentrer grâce à un retour de linformation instantané au patient-e sur son niveau dattention. Léquipe de neuroscientifiques a pu constater que non seulement lentrainement agissait de manière positive sur les capacités dattention des personnes traitées, mais aussi que le déficit dattention était intimement lié à une réponse cérébrale londe P3 qui reflète lintégration des informations par le cerveau: des amplitudes de P3 plus élevées indiqueraient une meilleure attention vis-à-vis des cibles détectées. Des résultats à lire dans la revue Clinical Neurophysiology.
Le trouble du déficit de lattention avec ou sans hyperactivité (TDA-H) se développe dès lenfance et entraine de nombreuses difficultés dattention, de concentration et dimpulsivité. Principalement issu dinteractions génétique-environnement, il se distingue par un déficit en dopamine, un neurotransmetteur impliqué dans les fonctions exécutives. «Ces troubles persistant en grande partie à lâge adulte, ils induisent des problèmes de fonctionnement relationnel et socio-professionnel, poussant plus facilement les personnes atteintes vers la consommation dalcool ou de drogues», relève Marie-Pierre Deiber, chercheuse au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine de lUNIGE et dans le Service des spécialités psychiatriques des HUG.
Aujourdhui, le TDA-H est traité grâce à des médicaments qui augmentent la concentration de dopamine, ce qui permet daméliorer lattention du patient-e. La maladie étant très souvent accompagnée de dépression, danxiété voire de troubles bipolaires, une psychothérapie est généralement associée. «Toutefois ces traitements pharmaceutiques peuvent être accompagnés deffets secondaires importants, comme de la nervosité, des troubles du sommeil, mais aussi une augmentation du risque de développer des troubles psychiatriques ou cardio-vasculaires», explique Roland Hasler, chercheur au Service des spécialités psychiatriques des HUG. Cest pourquoi nous avons voulu tester un traitement non invasif et non pharmaceutique basé sur le principe du neurofeedback.»
Renvoyer au cerveau ses propres signaux
Le neurofeedback est une intervention neurocognitive fondée sur un entrainement en temps réel des signaux cérébraux. A laide dun électroencéphalogramme (EEG) de 64 capteurs, les scientifiques captent lactivité électrique des neurones corticaux et ciblent leurs analyses sur le rythme spontané Alpha (dune fréquence denviron 10 Hertz), couplant la fluctuation de son amplitude à un jeu vidéo que les patient-es peuvent contrôler par leur pouvoir dattention. «Lobjectif du neurofeedback est que la personne souffrant de TDA-H se rende compte des moments où elle nest plus attentive. Avec la pratique, les réseaux neuronaux peuvent «apprendre» à réduire les défaillances de lattention grâce à la plasticité du cerveau», précise Tomas Ros, chercheur au Département des neurosciences fondamentales de la Faculté de médecine de lUNIGE et au Centre dimagerie biomédicale (CIBM). Pour ce faire, lEEG des patient-es est relié à un ordinateur qui affiche limage dune navette spatiale. Lorsquil/elle est attentive, lamplitude du rythme Alpha de son cerveau est basse, ce qui fait avancer la navette spatiale. Mais dès quil/elle perd son attention, lamplitude du rythme Alpha augmente, ce qui stoppe instantanément le vaisseau. Confronté-e à larrêt de lengin spatial, le/la patient-e réalise quil/elle nétait plus attentif/ve et se reconcentre pour faire redémarrer la navette.
Entrainer son cerveau pour se passer de médicament?
Afin de mesurer les effets de cet entrainement, les équipes genevoises ont fait passer un test dattention à 25 adultes souffrant du TDA-H, ainsi quà un groupe contrôle de 22 adultes neurotypiques. Les résultats ont montré que les personnes atteintes par le trouble commettaient plus derreurs et avaient un temps de réaction qui variait davantage que celui du groupe contrôle, compatible avec une altération de lattention. Après 30 minutes dentrainement par neurofeedback, les participant-es ont repassé le test dattention.
«Le premier constat est que le traitement du stimulus et la variabilité de réponse sont améliorés, attestant dune attention plus performante, relève Marie-Pierre Deiber. Mais ce qui nous intéresse le plus, cest limpact de lentrainement sur londe cérébrale P3, réduite dans le TDA-H et directement liée au traitement cognitif du stimulus.» Plus lamplitude de P3 est élevée, plus le traitement du stimulus est efficace et la réponse à la tâche dattention correcte. «Lamplitude de P3 a augmenté de façon significative après lentraînement par neurofeedback, et était directement associée à une diminution du nombre derreurs commises par les patient-es», senthousiasme Tomas Ros.
Cette étude démontre dans un premier temps quun seul entrainement de neurofeedback de 30 minutes agit déjà à court terme sur la plasticité du cerveau et permet une amélioration de lattention des personnes souffrant du TDA-H. Dans un deuxième temps, elle suggère lexistence dun marqueur électro-physiologique du contrôle attentionnel dans le TDA-H. «Ainsi, P3 serait une signature cérébrale qui nous permettrait de mieux comprendre les mécanismes neurocognitifs du TDA-H», continue Nader Perroud, professeur au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine de lUNIGE et dans le Service des spécialités psychiatriques des HUG. Enfin, des effets étant déjà visibles à court terme, les scientifiques vont à présent effectuer un entrainement de neurofeedback fondé sur plusieurs séances, afin dobserver si la plasticité du cerveau se renforce dans la durée. «lobjectif est de permettre aux patient-es dapprendre à se concentrer sans médicaments et de pouvoir entrainer leur cerveau chez eux», conclut Tomas Ros.
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Journal
Clinical Neurophysiology