Le cerveau est malléable : il apprend et sadapte. De nombreuses recherches se sont alors intéressées à limpact des jeux vidéo daction sur les compétences cognitives du cerveau humain, telles que la perception, lattention ou encore la rapidité dexécution. Une équipe internationale de psychologues, dirigée par lUniversité de Genève (UNIGE), a réuni les données de ces quinze dernières années afin de pouvoir quantifier limpact des jeux vidéo daction sur la cognition. Il en ressort deux méta-analyses, publiées dans la revue Psychological Bulletin, qui prouvent une amélioration significative des capacités cognitives du joueur.
Des psychologues se sont intéressés à limpact des jeux vidéo sur le cerveau humain dès la fin des années 80, quand Pacman et les jeux darcade sont devenus populaires. Cette synthèse dirigée par lUNIGE se concentre sur un genre de jeux spécifique, les jeux vidéo daction (jeu de tirs ou de guerre), longtemps considérés comme une perte de temps. Mais est-ce vraiment le cas, ou au contraire ceux-ci influent-ils sur la cognition des joueurs?
«Afin de répondre à cette question, nous avons décidé de réunir toutes les données traitant de ce sujet entre 2000 et 2015, seule manière davoir une vue densemble du véritable impact des jeux vidéo daction», explique Daphné Bavelier, professeure à la Section de psychologie de la Faculté de psychologie et des sciences de léducation (FPSE) de lUNIGE. Durant un an, des psychologues de lUNIGE et des universités de Columbia, de Santa Barbara et du Wisconsin ont épluché la littérature publiée (articles, thèses, abstracts de conférences) et contacté plus de soixante professeurs afin dobtenir également les données non publiées, mais pourtant révélatrices du rôle des jeux vidéos daction. Deux méta-analyses en sont ressorties.
Le profil du gamer de jeux daction
8970 personnes âgées de 6 à 40 ans, gamers de jeux daction ou non gamers, ont passé des tests psychométriques en laboratoire évaluant leurs capacités cognitives, comme par exemple leur attention spatiale (détecter un chien dans un troupeau dautres animaux le plus rapidement possible et correctement) ou leur capacité à gérer plusieurs tâches simultanément et à changer leurs plans en fonction de règles prédéterminées. Il en est ressorti que la cognition des gamers était améliorée dune moitié décart-type par rapport aux non gamers.
Toutefois, cette première méta-analyse ne répond pas à une question capitale. «En effet, il faut se demander quel est le profil type du gamer», commente Benoit Bediou, chercheur à la Section de psychologie de la FPSE de lUNIGE. « Est-ce que celui-ci joue à des jeux vidéo daction car il possède déjà certaines facultés cognitives qui font de lui un bon joueur et qui dès lors lui font ressentir du plaisir à jouer? Ou au contraire, ses bonnes capacités cognitives sont-elles justement développées par le jeu?»
Entrainer son cerveau grâce aux jeux vidéos daction
Pour répondre à cette question, les psychologues ont donc analysé, dans le cadre de la seconde méta-analyse, les études dintervention. 2883 personnes (hommes et femmes), jouant au maximum une heure par semaine, ont été soumis à des tests de capacités cognitives. Puis ils ont été répartis aléatoirement en deux groupes. Le premier devait jouer à des jeux daction (guerres, zombies), le second à des jeux de contrôle (SIMS, puzzle, Tetris) et ce, au minimum 8h en 8 jours et jusquà 50h en 12 semaines. Chaque personne était ensuite testée à nouveau à la fin de son entrainement de jeu vidéo, afin de pouvoir mesurer lévolution, ou non, de ses capacités cognitives. «Il sagissait de savoir si les effets du jeu daction sur le cerveau sont causals, ajoute Daphné Bavelier, cest pourquoi ces études dintervention opposent toujours un groupe que lon force à jouer à un jeu daction, alors que lautre groupe est, quant à lui, forcé à jouer à un jeu vidéo de contrôle, possédant une mécanique très différentes de celle des jeux daction. Ce control actif permet de sassurer que leffet du jeu daction est vraiment dû à la nature de ce genre de jeu et non pas au fait de faire partie dun groupe auquel on demande une tâche engageante ou qui est le centre dattention des scientifiques (effet placebo).»
Le résultat est sans appel. Les participants jouant à des jeux vidéo daction voient leurs capacités cognitives augmenter dun tiers décart-type par rapport à ceux jouant à des jeux de contrôle. «Ces recherches, effectuées sur plusieurs années et partout dans le monde, prouvent le réel effet des jeux vidéo daction sur le cerveau et ouvrent la voie à leur utilisation comme développeurs de capacités cognitives», résume Benoit Bediou.
Mais il faut souligner, à lattention des gamers réguliers, que ces effets positifs ont été observés dans le cadre détudes dont les participants ont étalé le jeu sur des périodes de plusieurs semaines ou de plusieurs mois, et nont pas été soumis à des sessions intensives. Comme pour toute activité dapprentissage, des sessions courtes et répétées savèrent plus efficaces.
Ces deux méta-analyses, qui reprennent quinze ans de recherches, soulignent limportance de la transmission de données entre les différents laboratoires, permettant de valider des résultats sur le plan international, sans souffrir de biais propres à chaque expérience et groupe de travail. De plus, la réunion des données permet davancer toujours plus loin dans la compréhension de la plasticité du cerveau et de léventuelle création de jeux spécifiquement conçus pour développer les facultés de perception et dattention.
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Journal
Psychological Bulletin