image: Each dot represents the gaze position for an individual child watching the movie. The blue dots on the left represent the typically developing toddlers. The red dots represent toddlers with Autism Spectrum Disorders (ASD). The face wasn't blurred during the experiment. view more
Credit: UNIGE
Dès leurs premières semaines de vie, les nourrissons sont particulièrement attirés par les stimuli dits « sociaux » (comme les voix, les visages et les gestes de leur entourage). En parallèle, leur cerveau développe un réseau de régions spécifiquement dédiées au traitement de ces stimuli, appelé le « cerveau social ». Pour une raison encore mal comprise, on observe durant la première année de vie une attention moindre à ces stimuli sociaux chez les bébés qui développeront par la suite un trouble du spectre de lautisme (TSA). Pour la première fois, une équipe de chercheurs de lUniversité de Genève (UNIGE) en Suisse vient dapporter la preuve directe que le développement du cerveau social est entravé par cette apparente indifférence précoce aux stimuli sociaux et cela, dès le plus jeune âge chez des enfants atteints de TSA. La revue eLife a publié leurs conclusions.
Holger Sperdin, collaborateur scientifique à la Faculté de médecine de lUNIGE et auteur principal de létude, explique : «Les bébés présentant un TSA sont moins attirés par les stimuli dit «sociaux». Mais on ne sait pas ce quil en est au niveau cérébral à ce très jeune âge. Pour cette raison, nous avons non seulement émis lhypothèse quils exploraient visuellement des vidéos contenant de linformation sociale de manière différente, mais aussi que leur «cerveau social» répondait dune manière différente à ces vidéos par rapport à des enfants sans TSA.»
Léquipe de chercheurs a utilisé simultanément une méthode électrophysiologique appelée électroencéphalographie (EEG) pour étudier lactivité cérébrale des enfants, et a eu recours à «leye-tracking», une technologie oculométrique puissante pour mesurer leur regard lors du visionnage des vidéos montrant des interactions sociales humaines. Les chercheurs se sont dabord aperçus que les jeunes enfants atteints de TSA exploraient dune manière très différente les vidéos présentées par rapport aux enfants avec un développement typique, cette différence saccompagnant au niveau cérébral daltérations importantes de la connectivité et du flux dinformation dans des régions spécifiques du cerveau dit social.
Chez les enfants atteints de TSA, léquipe a également observé une plus forte activité dans deux fréquences dondes cérébrales spécifiques (alpha et thêta), ainsi quune plus forte connectivité entre certaines régions du cerveau social. La fréquence thêta ainsi que les régions cérébrales touchées sont des composantes importantes du «cerveau social», tandis que la fréquence alpha joue un grand rôle dans lattention visuelle.
Cette découverte relève pour la première fois que ces différences dans la manière dexplorer des stimuli sociaux saccompagnent de modifications de la connectivité entre des régions clés du cerveau social chez les très jeunes enfants présentant un TSA. Ainsi, les régions cérébrales qui génèrent ces fréquences pourraient se développer différemment chez les jeunes enfants atteints de TSA par rapport à leurs pairs dont le développement est typique.
Agir sur les connexions du cerveau social dès le plus jeune âge
«Pour la première fois, nous démontrons la présence daltérations du flux dinformation au sein de régions cérébrales impliquées dans le traitement des stimuli sociaux chez des enfants en bas âge qui présentent un trouble du spectre de lautisme», conclut Marie Schaer, professeure assistante au Département de psychiatrie de la Faculté de médecine de lUNIGE, qui a dirigé ces recherches. «Ces altérations au sein de régions du cerveau dit social se manifestent dès les premiers stades du TSA, ce qui justifie que lon poursuive les recherches afin de déterminer si des interventions thérapeutiques ciblant les aptitudes sociales peuvent améliorer le développement du cerveau social à cet âge critique où la plasticité neuronale est maximale.»
En effet, les résultats de cette étude suggèrent que des interventions thérapeutiques précoces ciblant lamélioration de la capacité des enfants avec un TSA à répondre aux stimuli sociaux lors de ces premières années de vie sont essentielles, puisquelles pourraient permettre de «recâbler» ce réseau cérébral pendant quil en est encore temps, et de restaurer ainsi le développement du cerveau social.
###