image: Localisation of Posidonia oceanica donor meadow (1) Larvotto transplantation zone (2) Nearby meadow of reference (3) Distant meadow of reference (4) Distant meadow of reference at the lower limit (5) In blue the area of the construction project.
Credit: Andromède Océanologie
Une étude abouti à la transplantation de 384 m² d’herbiers marins de l'espèce Posidonia oceanica à l'échelle d'un projet industriel dans le cadre de travaux maritimes à Monaco. Une réussite qui remet en question l’idée selon laquelle ces écosystèmes seraient "non transplantables". Cette expérience inédite, menée par sur une période de huit ans, ouvre de nouvelles perspectives pour la préservation des herbiers marins menacés par l’urbanisation côtière.
Dans le cadre du projet de construction du quartier "Mareterra" à Monaco, les travaux maritimes prévoyaient la destruction de plusieurs hectares d’herbiers de Posidonia oceanica, une plante sous-marine essentielle à l'écosystème méditerranéen. Afin de limiter cet impact, une opération inédite de transplantation à grande échelle a été mise en place par la société Andromède Océanologie et l’Université de Liège.
L’expérience a débuté en 2017 avec le déplacement de 384 m² d’herbiers depuis la zone de construction vers la réserve marine du Larvotto. La technique employée, appelée transplantation par "mottes", permettait de préserver intactes les racines et le substrat associé, offrant ainsi aux plantes un meilleur taux de survie. Cette étude a permis de valider une technique opérationnelle capable de transplanter d’importantes surfaces d’herbiers en un temps record, une avancée majeure pour la préservation de ces écosystèmes fragiles.
"Pendant huit ans, un suivi rigoureux a été réalisé afin d’observer la résilience des herbiers transplantés, explique Sylvie Gobert, océanologue à l'ULiège. Malgré des travaux maritimes importants menés à proximité, l’herbier transplanté a fait preuve d’une résilience remarquable, avec des indicateurs de santé se rapprochant rapidement de ceux des herbiers naturels avoisinants." Trois ans après la transplantation, les herbiers transplantés et naturels étaient en floraison. Après huit ans, la surface de l’herbier transplanté avait dépassé la zone initialement transplantée, enregistrant une expansion de 25,8 % en 2024. "Ces résultats valident l'idée que la transplantation constitue une alternative viable et écologiquement pertinente comme mesure d’atténuation dans les projets d’aménagement côtier."
Cette expérience révolutionne la façon d’aborder la conservation des herbiers marins dans les projets d’aménagement côtier. Jusqu’alors, la destruction des herbiers était considérée comme irrémédiable, et les mesures compensatoires se limitaient souvent à l’installation de récifs artificiels. Or, cette étude prouve que la transplantation est une alternative viable, qui devrait être pleinement intégrée aux stratégies de préservation environnementale.
L’Université de Liège possède une expertise de premier plan dans l’étude et la préservation des herbiers marins, expertise qui remonte aux années 1970. Cette longue tradition de recherche s’appuie notamment sur les observations effectuées à la Station de Recherche Sous-marine et Océanographique STARESO, située en Corse, dans une zone marine protégée. Depuis plus de cinquante ans, cette station permet d’étudier l’évolution des herbiers de Posidonia oceanica dans des conditions naturelles, offrant ainsi des données uniques et précieuses sur leur croissance, leur résilience et leur rôle écologique. Grâce aux travaux menés sur ce site exceptionnel, l’ULiège a développé des connaissances approfondies sur les dynamiques des herbiers et les meilleures stratégies pour leur conservation et leur restauration. Cette expertise a été un atout majeur pour assurer le succès du projet de transplantation à Monaco, en garantissant un protocole rigoureux et une évaluation scientifique détaillée des résultats à long terme.
Le succès de cette expérience remet en question les pratiques actuelles et ouvre la voie à une meilleure gestion des écosystèmes marins. "En intégrant la transplantation comme une mesure d’atténuation dans les projets d’aménagement côtier, il devient possible de réduire significativement l’impact environnemental tout en préservant ces habitats précieux pour la biodiversité méditerranéenne, conclu Sylvie Gobert".
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Environmental Challenges