Une équipe de scientifiques de l’Université d’Ottawa, de l’Université d’Uppsala, de l’Institut botanique de Barcelone et d’autres établissements a étudié l’épopée migratoire du papillon belle-dame (Vanessa cardui, ou vanesse des chardons). Les grandes différences entre les comportements migratoires de ces créatures apparemment si délicates défient l’entendement. En effet, certains papillons décrivent un impressionnant parcours de 4 000 kilomètres qui les mène de la Scandinavie jusqu’au cœur de l’Afrique subsaharienne, en passant par la Méditerranée et l’immense désert du Sahara, alors que d’autres s’arrêtent en région méditerranéenne.
Clément Bataille, professeur agrégé à la Faculté des sciences de l’Université d’Ottawa, explique la méthode appliquée : « En analysant les isotopes d’hydrogène et de strontium, nous avons pu retracer l’origine des papillons et estimer la distance qu’ils ont parcourue, et les résultats confirment l’existence de comportements migratoires différents. »
Une étude antérieure avait révélé que le Vanessa cardui pouvait parcourir 4 200 kilomètres au-dessus de l’océan Atlantique, depuis l’Afrique occidentale jusqu’à la Guyane, en Amérique du Sud.
« La variation des distances de migration n’est pas le fait de différences génétiques; nous croyons plutôt qu’il s’agit d’une adaptation à des signaux environnementaux comme la photopériode. Nous avons constaté que des facteurs environnementaux peuvent dicter les comportements migratoires des insectes », note Megan Reich, chercheuse boursière de niveau postdoctoral au Département de biologie à l’Université d’Ottawa et coauteure principale de l’étude.
Les scientifiques ont examiné des papillons récoltés dans différentes régions d’Europe et d’Afrique de 2018 à 2019. Une analyse de pointe des isotopes a été réalisée au Canada, et le séquençage génomique a été effectué en Espagne et en Suède. Il en ressort que les papillons partis des régions nordiques au début de l’automne parcourent de plus grandes distances migratoires que leurs congénères partis de latitudes plus au sud. Une autre étude décrit plus en détail ce modèle de migration étendue.
« Ces observations soulèvent d’importantes questions : ce modèle de variations du comportement migratoire non liées à des différences génétiques s’applique-t-il aussi aux populations de belles-dames dans d’autres régions? Ce phénomène est-il propre aux papillons? Nous avons encore beaucoup à apprendre sur l’évolution et la transmission des modèles de migration chez différentes espèces », ajoute Daria Shipilina, chercheuse postdoctorale à l’Institut des sciences et des technologies, en Autriche, et coauteure principale de l’étude.
Les insectes migratoires sont des éléments essentiels des écosystèmes, car ils transportent des biomasses et des nutriments. De plus, ce sont d’importants pollinisateurs, et ils font partie de l’alimentation d’autres espèces. « La compréhension des modèles migratoires des insectes est cruciale pour les efforts de conservation et la biosécurité, souligne Megan Reich. Il faudra réaliser d’autres études pour confirmer le lien entre la distance parcourue et les conditions environnementales, mais aussi comprendre ce qui déclenche la migration des insectes. Ces connaissances sont cruciales pour prédire les répercussions des changements environnementaux d’origine humaine sur la migration des insectes. »
L’étude a été publiée dans PNAS Nexus sous le titre « Isotope geolocation and population genomics in Vanessa Cardui: Short- and long-distance migrants are genetically undifferentiated ». Elle marque une percée scientifique des connaissances sur la migration des insectes et son importance pour la préservation de la biodiversité dans le contexte des changements environnementaux mondiaux.
Journal
PNAS Nexus
Method of Research
Case study
Subject of Research
Animals
Article Title
Isotope geolocation and population genomics in Vanessa cardui: Short- and long-distance migrants are genetically undifferentiated
Article Publication Date
4-Feb-2025