Le tabagisme demeure obstinément l’une des principales causes de maladie, d’invalidité et de décès au Canada, même si les taux de prévalence ont considérablement diminué au cours des 50 dernières années. Quelle nouvelle initiative de sevrage tabagique peut donc sauver des vies et permettre d’économiser des milliards de dollars en coûts de soins de santé?
Une étude très convaincante réalisée par un économiste de la santé de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa explore les effets à long terme d’une proposition audacieuse de restriction du tabagisme : l’interdiction à vie des produits du tabac pour les personnes nées après une date précise.
Ce concept de « génération sans tabac » vise à forger une génération d’individus qui ne pourront jamais acheter légalement du tabac ou des produits de vapotage à base de nicotine. Selon ce concept, il est essentiel d’empêcher les jeunes de commencer à fumer, étant donné qu’environ 80 % des personnes commencent à fumer avant l’âge de 18 ans et que la quasi-totalité des fumeurs et des fumeuses commence à fumer avant l’âge de 26 ans. Il s’agit d’une mesure stratégique qui a fait l’objet de sérieux débats en Nouvelle-Zélande et qui a été recommandée par des experts du sevrage tabagique au Canada.
Le Dr Doug Coyle affirme que si le gouvernement canadien mettait en œuvre une politique de « génération sans tabac », il en résulterait des avantages considérables pour la santé. Son étude estime que cette politique permettrait de réduire de 2,3 milliards de dollars les coûts des soins de santé et d’augmenter de 476 814 le nombre d’années de vie ajustées sur la qualité pour les Canadiens et les Canadiennes sur une période de 50 ans.
L’analyse repose sur l’hypothèse d’une interdiction définitive de la vente de cigarettes aux personnes nées après 2009, si elle est imposée le 1er janvier 2025.
La recherche prévoyant les impacts à long terme d’une politique de génération sans tabac a été présentée aujourd’hui dans le numéro de janvier de Promotion de la santé et prévention des maladies chroniques au Canada, une publication de l’Agence de la santé publique du Canada.
L’un des évaluateurs de cette publication à comité de lecture a décrit l’analyse du Dr Coyle comme un « travail très important qui pourrait influencer la politique ».
Expert en recherche sur l’économie de la santé et en application des analyses à la politique de santé, le Dr Coyle déclare que « la principale conclusion de l’étude est que l’adoption d’une politique de génération sans tabac entraînerait des progrès substantiels en matière de santé et des économies significatives sur les coûts des soins de santé ».
« La législation actuelle est inefficace, car la plupart des fumeurs et des fumeuses de longue date commencent à fumer avant l’âge légal. Ainsi, une politique de génération sans tabac permet d’éviter les dommages considérables sur la santé dus au fait que les gens commencent à fumer plus tôt que la loi ne l’autorise », ajoute-t-il.
L’analyse publiée s’appuie sur un modèle existant portant sur le sevrage tabagique et l’approfondit en vue d’évaluer l’impact d’une politique de génération sans tabac sur les années de vie ajustées sur la qualité (AVAQ), l’espérance de vie, les coûts des soins de santé, les taxes liées au tabagisme et le produit intérieur brut de l’industrie canadienne du tabac. L’impact global de la politique sur l’ensemble de la population canadienne a été évalué pour des périodes allant jusqu’à 90 ans.
L’étude a montré que cette politique permettrait aux Canadiens et aux Canadiennes de réaliser d’importantes économies sur les coûts des soins de santé et qu’elle se traduirait par un plus grand nombre d’années de vie ajustées sur la qualité pour tous et toutes. Elle a également révélé que la politique entraînerait une diminution de 7,4 milliards de dollars de taxes liées au tabagisme et une réduction de 3,1 milliards de dollars du PIB de l’industrie du tabac. Toutefois, l’étude indique que la valeur combinée des avantages en matière de santé et des bénéfices liés aux coûts des soins de santé évités dépasserait l’impact de la baisse des recettes fiscales et du PIB.
« Bien que les économies réalisées sur les coûts des soins de santé soient inférieures à la combinaison des pertes de recettes fiscales et de baisse du PIB dans l’industrie canadienne du tabac, la valeur des avantages réalisés en matière de santé l’emporte sur les répercussions négatives », conclut l’étude.
Selon le Dr Coyle, étant donné que les taxes sur le tabagisme sont régressives et qu’elles touchent plus les populations pauvres que les populations riches, le gouvernement pourrait remplacer la taxe perdue par un « substitut d’impôt plus progressif qui serait plus juste et plus équitable ».
Les décennies de travail du Dr Coyle ont influencé la pratique et les méthodes de travail dans le domaine de l’économie de la santé et ont exercé une influence directe sur les politiques au Canada et au Royaume-Uni. Il est actuellement professeur émérite à l’École d’épidémiologie et de santé publique (EESP) de la Faculté de médecine de l’Université d’Ottawa. Il a été directeur intérimaire de l’EESP de 2016 à 2018 et a occupé auparavant le poste de directeur du programme d’études supérieures en épidémiologie.
Journal
Health Promotion and Chronic Disease Prevention in Canada
Method of Research
Data/statistical analysis
Subject of Research
People
Article Title
Original quantitative research – Implementing a smoke-free generation policy for Canada: estimates of the long-term impacts
Article Publication Date
13-Jan-2025