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Séquençage des plus anciens génomes d’Hommes modernes

Les génomes de sept des premiers Européens modernes montrent qu'ils appartenaient à un petit groupe isolé qui s'était récemment hybridé avec les Néandertaliens et n'a pas laissé de descendants actuels

Peer-Reviewed Publication

Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology

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Illustration of Zlatý kůň, who belonged to the same population as the Ranis individuals and was closely related to two of them.

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Credit: © Tom Björklund for Max Planck Institute for Evolutionary Anthropology

Après avoir quitté l'Afrique, les Hommes modernes ont rencontré les Néandertaliens et se sont hybridés avec eux, ce qui a entraîné la présence d'environ 2 à 3 % d'ADN néandertalien dans le génome de toutes les populations non africaines actuelles. Toutefois, on sait peu de choses sur la génétique de ces premiers pionniers modernes européens et sur la date exacte du métissage des Néandertaliens avec les premiers modernes non Africains.

Un site clé en Europe est celui de Zlatý kůň en Tchéquie, où le crâne complet d'un individu ayant vécu il y a environ 45 000 ans a été découvert. Il avait déjà été analysé génétiquement mais il n'est pas possible de le rattacher à un groupe archéologiquement défini car il n’a pas de contexte archéologique associé. Un site voisin, la Ilsenhöhle à Ranis en Allemagne, à environ 230 km de Zlatý kůň, est connu pour avoir livré un type particulier de culture archéologique, le Lincombien-Ranisien-Jerzmanowicien (LRJ) datant d'il y a environ 45 000 ans. La question de savoir si la culture LRJ avait été produite par des Néandertaliens ou des Hommes modernes anciens a longtemps été débattue mais une étude précédente de l'ADN mitochondrial de 13 petits fragments osseux trouvés à Ranis avait permis de constater qu'ils appartenaient à des humains modernes et non à des Néandertaliens. Cependant, comme l’ADN mitochondrial ne constitue qu'une infime partie de l'information génétique d’un individu, leurs relations avec d'autres humains modernes étaient restées mystérieuses.

Un lien entre Zlatý kůň et Ranis

Une nouvelle étude publiée aujourd'hui dans Nature a analysé les génomes nucléaires de 13 spécimens provenant de Ranis et a établi qu'ils représentaient au moins six individus. La taille des ossements indique que deux d’entre eux étaient des immatures, et génétiquement, trois d’entre eux étaient des hommes et trois des femmes. Il est intéressant de noter que parmi ces individus se trouvaient une mère et sa fille en bas âge, ainsi que d'autres parents biologiques plus éloignés. Les chercheurs ont également séquencé davantage l'ADN du crâne féminin trouvé à Zlatý kůň, produisant un génome de haute qualité pour cet individu. “À notre grande surprise, nous avons découvert une relation génétique de cinquième ou sixième degré entre Zlatý kůň et deux individus de Ranis”, explique Arev Sümer, auteur principal de l'étude. “Cela signifie que Zlatý kůň faisait génétiquement partie de la famille élargie de Ranis et qu'elle fabriquait probablement aussi des outils de type LRJ.”

Parmi les six individus de Ranis, un os était particulièrement bien conservé, et il s'agit en fait même de l'os humain moderne pléistocène le mieux conservé que l’on ait pour l'extraction de l'ADN. Cela a permis à l'équipe d'obtenir un génome de haute qualité pour cet individu masculin, appelé Ranis13. Au final, les génomes de Ranis13 et de Zlatý kůň représentent les plus anciens génomes humains modernes de haute qualité séquencés à ce jour. En analysant les variants génétiques liés aux traits phénotypiques, les chercheurs ont constaté que les individus de Ranis et Zlatý kůň portaient des variants associés à une couleur foncée de peau et des cheveux, ainsi qu'à des yeux marron, reflétant l'origine africaine récente de cette population européenne ancienne.

En analysant les segments d’ADN hérités de mêmes ancêtres dans les génomes de Ranis et Zlatý kůň, les chercheurs ont estimé que leur population se composait tout au plus de quelques centaines d'individus qui ont pu être répartis sur un territoire plus vaste. Les auteurs n'ont trouvé aucune preuve que cette petite population d’Hommes modernes anciens ait contribué aux Européens plus récents ou à quelque autre population du monde.

Une période plus courte pour le premier métissage avec les Néandertaliens

Les membres de la population Zlatý kůň/Ranis ont coexisté avec les Néandertaliens en Europe, ce qui soulève la possibilité qu’après être arrivés en Europe, ils aient eu des Néandertaliens parmi leurs ancêtres récents. Les études précédentes sur les Hommes modernes de plus de 40 000 ans avaient en effet trouvé des preuves de tels métissages récents. Cependant, aucune trace d'une hybridation récente avec les Néandertaliens n'a été détectée dans les génomes des individus de Zlatý kůň/Ranis. “Le fait que des groupes d'humains modernes, peut-être arrivés plus tard en Europe, soient porteurs d'une telle ascendance néandertalienne alors que les individus de Ranis et Zlatý kůň ne le sont pas pourrait signifier que la lignée Zlatý kůň/Ranis, qui a une origine plus ancienne, est peut-être arrivée en Europe en suivant une route différente ou bien qu’elle n'a pas occupé aussi largement les régions où vivaient les Néandertaliens”, spécule Kay Prüfer, qui a co-supervisé l'étude.

La population de Zlatý kůň/Ranis représente à ce jour la lignée qui a divergé le plus anciennement du groupe d'humains modernes qui a migré hors d'Afrique et s’est dispersé plus tard à travers l'Eurasie. Malgré cette divergence ancienne, l'ascendance néandertalienne de Zlatý kůň et Ranis provient du même épisode ancien de métissage qui peut être détecté chez tous les non Africains actuels. En analysant la longueur des segments d’ADN néandertalien dans le génome de Ranis13 et en utilisant les dates au radiocarbone obtenues sur cet individu, les chercheurs ont daté ce métissage néandertalien d’il y a entre 45 000 et 49 000 ans. Étant donné que toutes les populations non africaines actuelles partagent cette ascendance néandertalienne avec Zlatý kůň et Ranis, cela signifie qu'il y a environ 45 000 à 49 000 ans, une population ancestrale non africaine cohérente devait encore exister.

“Ces résultats nous permettent de mieux connaître les premiers humains modernes qui se sont installés en Europe”, déclare Johannes Krause, auteur principal de l'étude. “Ils indiquent également que tout vestige humain moderne trouvé en dehors d'Afrique et datant de plus de 50 000 ans n'a pas pu faire partie de la population non africaine ancestrale qui s'est hybridée avec les Néandertaliens et dont on trouve aujourd'hui les descendants dans une grande partie du monde.”


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