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Paludisme à Plasmodium vivax : l’épidémie pourrait être largement sous-estimée en Afrique sub-saharienne

Peer-Reviewed Publication

Institut Pasteur

image: 

Duffy-negative erythroblasts (at D9 of erythroid progenitor differentiation) infected with a Madagascan isolate of Plasmodium vivax observed by light microscopy (mature stage).

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Credit: © Isabelle Bouyssou & Didier Menard (Institut Pasteur, University of Strasbourg)

Des chercheurs de l’Institut de Parasitologie et de Pathologie Tropicale de l’Université de Strasbourg et du laboratoire de Parasitologie et de Mycologie Médicale des Hôpitaux Universitaires de Strasbourg, en collaboration avec le King’s College London (Angleterre), l’Institut Pasteur (Paris, France), l’Institut Pasteur de Madagascar et l’Université d’Addis Abeba (Ethiopie), révèlent comment Plasmodium vivax, l’un des principaux agents du paludisme, s’avère capable d’infecter des populations d’Afrique. Une découverte étonnante puisque ces populations étaient jusqu’à présent considérées comme naturellement protégées en raison de l’absence de la protéine Duffy à la surface de leurs globules rouges. Ces résultats laissent penser qu'un grand nombre d'individus en Afrique pourraient être des porteurs silencieux de Plasmodium vivax et, par conséquent, que le paludisme pourrait être largement sous-estimé en Afrique sub-saharienne. Les résultats de ces travaux ont été publiés le 5 décembre 2023 dans la revue Cell Host & Microbe.
 

Le paludisme tue dans le monde près de 600 000 personnes par an, essentiellement en Afrique sub-saharienne. Les données épidémiologiques ont longtemps suggéré que Plasmodium vivax, la deuxième espèce de Plasmodium la plus fréquente derrière Plasmodium falciparum, ne pouvait infecter que les globules rouges jeunes (appelés réticulocytes) possédant à leur surface la protéine Duffy (ou DARC pour Duffy Antigen Receptor for Chimiokines). Cette particularité expliquait que les populations Duffy-négatives étaient naturellement protégées contre l’infection par Plasmodium vivax, et donc l’absence de ce parasite en Afrique sub-saharienne, où les populations sont exclusivement ou très majoritairement Duffy-négatives. Cependant, depuis les années 2000, grâce à l’avènement de nouvelles méthodes moléculaires de diagnostic, beaucoup d’études ont révélé la capacité de Plasmodium vivax d’infecter les sujets Duffy-négatifs. Une question restait donc en suspens : comment le parasite pénètre-t ’il dans les globules rouges jeunes en l’absence de la protéine Duffy ?

Pour répondre à cette question, l’équipe de Didier Ménard, en collaboration avec des scientifiques du King’s College London (Angleterre), de l’Institut Pasteur, de l’Institut Pasteur de Madagascar et de l’Université d’Addis Abeba, a examiné, in vitro, le processus de maturation des globules rouges. Les scientifiques ont découvert que les cellules précurseurs des globules rouges, de sujets Duffy-négatif, expriment temporairement la protéine Duffy pendant leur développement. Cependant, seule une faible proportion des cellules précurseurs qui exprime normalement la protéine Duffy (1-3%) sont susceptibles d’être infectées par Plasmodium vivax. Cette étude confirme donc que quel que soit le statut de l’hôte (Duffy positif ou négatif), Plasmodium vivax est capable de se répliquer en dehors de la circulation sanguine, dans les sites de production de globules rouges, comme la moelle osseuse ou la rate.

Au-delà de cette découverte, ces données soulèvent de nouvelles interrogations. Il est en effet possible qu'un grand nombre d'individus Duffy négatifs en Afrique sub-saharienne soit infecté par Plasmodium vivax au niveau des sites de production de globules rouges sans une présence détectable dans le sang par les méthodes de diagnostic traditionnel du paludisme (frottis mince/goutte épaisse et test de diagnostic rapide). « Ce travail suggère une facette méconnue de l'infection à Plasmodium vivax et une sous-estimation de l'importance de ce parasite en Afrique sub-saharienne », déclare Didier Ménard, dernier auteur de l’étude. « En conséquence, cela doit nous amener à repenser les stratégies de lutte contre ce parasite », ajoute-t-il.


Ces recherches ont reçu le soutien financier de l’ANR, de l’Institut Pasteur, du laboratoire d’excellence “French Parasitology Alliance for Health Care”, de l’Initiative d’Excellence de l’Université de Strasbourg, de la Fondation Bill and Melinda Gates, de la Fondation pour la Recherche Médicale, de l’Association européenne d’hématologie, de la Fondation de France (Prix Thérèse Lebrasseur) et du programme de recherche et d’innovation Marie Sklodowska-Curie de l’Union Européenne, Horizon 2020. Ce travail a également été soutenu par l’Etablissement Français du Sang de Strasbourg (Sabine Haas) et le Centre d’Immunologie et des Maladies Infectieuses à Paris (Olivier Silvie).


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